Ferhat Mehenni passe à l’acte. Le président du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) vient d’annoncer à partir de Paris où il s’est réfugié depuis plusieurs mois, la formation « du gouvernement provisoire kabyle (GPK) ».
Annoncé depuis le 20 avril dernier, ce gouvernement est composé de 10 membres. Mais aucune personnalité connue ne figure dans cette équipe conduite par Ferhat Mehenni lui-même.
Dans son discours inaugural, le président du MAK explique les raisons qui l’ont amené à proclamer le gouvernement provisoire de la Kabylie. « Niés dans notre existence, bafoués dans notre dignité, discriminés sur tous les plans, nous nous sommes vus interdits de notre identité, de notre langue et de notre culture kabyles, spoliés de nos richesses naturelles, nous sommes à ce jour administrés tels des colonisés, voire des étrangers en Algérie », dénonce-t-il.
Et d’ajouter : « Aujourd’hui, si nous en sommes à mettre sur pied notre gouvernement provisoire, c’est pour ne plus subir ce que nous endurons d’injustice, de mépris, de domination, de frustrations et de discriminations depuis 1962 », explique-t-il.
Mais quelle est la valeur d’un tel gouvernement ? Pourquoi l’installation d’un gouvernement provisoire ? Ferhat Mehenni risque de signer ainsi la fin de son projet lancé en 2001. La proclamation du gouvernement kabyle, le 20 avril dernier, a été même critiquée par des membres fondateurs du MAK.
Dans une tribune publiée dans le quotidien El Watan lundi dernier, Ahmed Aït Bachir, membre fondateur du MAK, et deux militants autonomistes ont dénoncé « la démarche précipitée de Ferhat Mehenni ».
« Si la situation de la Kabylie est tragique sur les plans économique, social et sécuritaire, elle est toutefois loin d’une situation d’urgence qui pourrait justifier la mise en place d’un pouvoir de fait accompli », soulignent-ils. Ces derniers contestent aussi la légitimité de l’initiative prise par le chef de file du mouvement.
« Tout militant, toute association ou organisation politique kabyle a le droit de parler de la Kabylie, de penser Kabylie, de s’engager ou de proposer des projets politiques. Mais cela n’autorise aucun individu, aussi courageux et éminent soit-il, ni groupe, aussi engagé et sincère soit-il, à s’autoproclamer représentant de la Kabylie, de parler en son nom et d’engager son avenir, s’ils n’ont pas été légitimement mandatés », précisent les auteurs de ladite déclaration. Chez les partis politiques qui ont un large ancrage dans la région de Kabylie, le projet de l’autonomie n’est pas le bienvenu.
Le FFS et le RCD ont leurs propres projets sur la gestion du pays qui s’inscrivent aux antipodes de la vision du MAK. Les deux formations politiques prônent respectivement « le fédéralisme » et « la régionalisation ». Des projets qu’ils souhaitent appliquer à toute l’Algérie et non seulement à la région de Kabylie.
Chez les citoyens de Kabylie, le projet ne fait pas aussi l’unanimité. Malgré l’adhésion d’un certain nombres d’étudiants et d’universitaires, le MAK est loin de gagner l’estime des populations de la région. Ce projet suscite même l’inquiétude des citoyens qui souffrent déjà d’abandon de la part de l’Etat. « Avec l’autonomie, la Kabylie marginalisée et stigmatisée davantage », commentent les jeunes de la région.
Par Madjid Makedhi