M’hamed Boukhobza était un grand homme. Un éminent intellectuel qui appartient à la postérité. Son immense apport à la sociologie est inestimable. Il fut assassiné un triste jour de 1993, alors qu’il avait à peine 52 ans.
C’est à Brezina , dans la wilaya d’El-Bayah , que naquit en 1941 M’hamed Boukhobza dans une grande famille d’éleveurs nomades de la tribu des Ouled Aissa. Entourés de nombreux frères , sœurs et cousins …il passa sa petite enfance dans cette société nomade qui le marqua durablement et dont l’étude le passionnera des années plus tard . La vie dans cette nature vierge , rythmée par les longues transhumances à travers le Tell et le Sahara , fut pour lui très riche en enseignements , attisa sa curiosité et forgea son caractère.
Il fit sa scolarité chez « le taleb « sorte de précepteur que s’attachait la famille en plein temps et qui se déplaçait sur tous les parcours avec elle. M’hamed étudia le coran , les préceptes de l’islam et apprit à lire et à écrire . Il apprit aussi beaucoup de son père El Hadj Abdelkader , homme très pieux, cavalier émérite , mais surtout conteur intarissable. Ce fut un élève studieux et surtout très curieux , son jeune oncle El hadj El-bey, fin léttré tres proche de M’hamed , le remarqua et insista auprès du père pour l’inscrire à l’école française. El Hadj Abdelkader se laissa convaincre et en 1950 à l’âge de huit ans et demi, fut pris en pension dans une famille amie à El-Bayadh .
Il quitta alors sa vie nomade pour rejoindre les bancs de l’école Française. Le changement fut aussi radical que brutal et malgré sa soif d’apprendre et la nouveauté de cette vie qui aiguisait sa curiosité insatiable .Il vécut très péniblement les premières années de séparation. Malgré cela et les années de retard , il fut un excellent élève , comme il le sera plus tard à Dellys, à Mascara et à Sidi Bel-Abbes , autant de lieux qui lui permirent de découvrir la diversité de son pays, mais aussi la réalité sinistre de l’occupation. Pendant la guerre de libération , sa famille , sa famille subit l’oppression et la repression. C’est ainsi que l’oncle qu’il chérissait tant , responsable politique important dans la région , tomba en 1957 , sauvagement torturé et décapité . Douze autres martyrs de la famille le suivirent.
Ces pertes injustes et cruelles laissèrent en M’hamed de profondes blessures , blessures qu’il ne pouvait ni oublier ni pardonner. Ce fut alors la prise de conscience qui le conduisit à assumer son devoir de militant de la cause Nationale.
En 1957 , à 16 ans à peine , il fut arrêté , emprisonné et toturé.Une année plus tard , il fut encore emprisonné et ne put être sauvé d’un destin tragique que grâce à l’intervention d’un ami de la famille. Ces années de guerre furent aussi douloureuses qu’éprouvantes , mais il continua avec défi et ténacité sa longue marche vers le savoir.
A la fin de ces études secondaires , M’hamed attiré particulièrement par la rigueur des mathématiques , s’envola en 1962 vers Rabat . Il en revient en 1965 avec un diplôme d’ingénieur des statistiques de l’économie appliquée.
Apres un passage à la sous direction des statistiques des finances à Alger , où M’hamed a été une des chevilles ouvrières de l’organisation et de la mise en œuvre du premier recensement National de la population de 1966 . Il fut nommé l’année suivante directeur de l’association Algérienne pour la recherche démographique économique et sociale ( AARDES )
C’est alors que débuta la riche et brillante carrière de l’un des chercheurs en sciences sociales les plus reconnus et les plus respectés en Algérie .
La vie professionnelle de M’hamed , marquée par une intense activité de recherche , fut jalonnée de nombreuses publications scientifiques.
Sa formation e staticien fit de lui l’architecte des bases de sondage , des méthodes d’échantillonnage de dépouillement de toutes les enquêtes que l’AARDES réalisa quatorze années durant de 1967 à 1981…
Par ailleurs , en mars 1992 , M’hamed Boukhobza fut l’une des personnalités choisies par le défunt Président Mohamed Boudiaf comme membre du conseil consultatif national ( CCN )
M’hamed Boukhobza fut assassiné le 22 Juin 1993 , laissant derrière lui un héritage scientifique de grande valeur et plusieurs ouvrages inachevés . Avec lui disparaissait un travailleur acharné , profondément ancré dans la société algérienne et un chercheur de très haut niveau d’une probité et d’une honnêteté intellectuelle exceptionnelle. Assassiné à 52 ans au cours d’une période des plus troubles en Algérie contemporaine , il disparut à un âge où de par sa maturité et sa pleine activité intellectuelle, il donnait le meilleur de lui même sur
le plan professionnel , mais aussi en tant que citoyen engagé pour le développement , la justice et la liberté en Algérie .