Ce qui aurait pu être qu’une simple « connerie » de jeunesse s’est révélé fatal pour ces cinq élèves du lycée Okba Ibn Nafaâ de Bab El Oued.
Ils viennent d’être condamnés par le tribunal de la ville à un an de prison ferme assorti d’une amende de 500 000 DA chacun. Chef d’inculpation ? Profanation de l’emblème national. Les faits remontent au 7 décembre 2008, lorsque ces cinq lycéens avaient décroché un cadre suspendu dans l’une des classes de leur établissement.
A l’intérieur se trouvait un drapeau national juxtaposé à un texte de l’hymne national. Les jeunes gens avaient ôté l’emblème et dessiné, à l’aide de feutres, les couleurs du drapeau national français, avec ces inscriptions « vive la France ». L’événement, qui avait jeté l’émoi dans le lycée, avait aussi provoqué l’ire du ministre de l’Education nationale, Boubekeur Benbouzid, qui avait déclaré que « ce sont là des comportements que nous ne tolérerons jamais ».
Face à l’emballement médiatique et judiciaire qui s’en était suivi, et ce, en dépit des regrets des adolescents, les parents ont, à maintes reprises, appelé à la conciliation et à la mansuétude. Mais rien n’y fit. La plainte fut maintenue et la procédure suivit son cours. Cette affaire, qui a défrayé la chronique, n’est pourtant pas une exception.
En mai dernier, le tribunal correctionnel de Chéraga a vu la comparution de quatre jeunes garçons, qui répondaient à un chef d’accusation similaire. Les prévenus, jurant que ce n’était qu’une « blague de gosses », virent tout de même le procureur de la République requérir dix ans de prison ferme à leur encontre. « Le législateur a effectivement prévu de telles sanctions. Toutefois, il ne faut pas prendre les textes à la lettre dans ces cas de figure.
Ils s’appliquent à des faits gravissimes, d’accusés adultes et conscients des conséquences de leurs actes, qui s’adonnent à cet acte délibérément », explique maître Mokrane Aït Larbi, avocat et défenseur des droits de l’homme. Selon le magistrat, ces peines ne sont pas moins que de l’excès de zèle, qui fait fi d’une quelconque notion de compréhension, et qui oublie « le devoir qu’a l’Etat quant à la protection de sa jeunesse ». « Condamner des lycéens à de la prison ferme équivaut à une mise à mort pour eux. Certes, ils ont fauté. Mais il est infiniment plus judicieux d’accorder une peine de prison avec sursis ou une amende.
Prévoir, en impliquant les parents, des punissions adéquates. Les écouter, leur expliquer la gravité de leur acte, leur apprendre l’amour du drapeau et de la patrie », déplore-t-il. Ou encore, comme pratiqué sous d’autres cieux, mettre en place des peines de travaux d’intérêt public, qui ont au moins le mérite d’inculquer des valeurs aux « voyous ». « Au lieu de leur donner une chance de finir leurs études, ils les poussent à la délinquance. Ecroués pour ce qui n’est qu’une erreur de jeunesse, ils ressortiront de prison plus délinquants qu’à leur entrée », s’indigne maître Aït Larbi.
Ce dernier dénonce d’ailleurs le procès « pour l’exemple » que constitue cette condamnation. « S’il y a bien une chose que l’histoire nous a appris, c’est que les procès exemplaires n’ont jamais été d’une grande utilité. Des gens ont été incarcérés, condamnés à mort, exécutés, mais des crimes sont toujours perpétrés, et ne font même qu’augmenter », affirme le magistrat. Que celui qui n’a jamais commis de fautes de jeunesse jette la première pierre…
Par Ghania Lassal