Plusieurs centaines de personnes ont manifesté samedi à Argenteuil pour protester contre l’agression de deux femmes voilées à un mois d’intervalle.
«L’islamophobie tue en France et Argenteuil en est le laboratoire» a martelé Kamel Raskallah, le porte-parole du Collectif d’habitants d’Argenteuil-Bezonds (CHAB), samedi lors d’une manifestation pour dénoncer les agressions, à un mois d’intervalle, de deux femmes voilées.
La dernière, Leïla, 21 ans, a été rouée de coups le 13 juin par deux hommes qui auraient déchiré son voile et ses vêtements. La jeune femme aurait aussi reçu un coup de coude dans le ventre après avoir signalé à ses agresseurs qu’elle était enceinte. Quatre jours plus tard la victime a fait une fausse couche, sans que le lien avec l’agression n’ait pu être établi.
Le 20 mai dernier, c’est Rabia (photo AFP ci-contre), 17 ans, qui avait été violentée. «Deux hommes sont arrivés par derrière, ils ont arraché mon voile, m’ont jetée à terre en me traitant de sale Arabe et de sale musulmane. Je ne comprends pas comment on peut avoir tant de haine» a raconté la jeune fille en pleurs. Elle affirme avoir eu des difficultés à porter plainte.«Le soir de mon agression je suis allée au commissariat où les policiers m’ont dit de revenir le lendemain. Ensuite ils m’ont demandé de ne pas ébruiter l’affaire dans ma communauté pour ne pas créer d’émeutes.»Le père de Rabia n’a pas répondu à l’invitation du ministère de l’Intérieur jeudi dernier. «C’est à Manuel Valls de se déplacer, comme il le fait pour les autres communautés lorsque un de leur membre est agressé». «Mon voile ne me rend pas moins française» ajoute sa fille qui attend maintenant «les réponses de la République et de la justice contre l’islamophobie».
«Nous sommes des citoyennes de seconde zone» affirment deux musulmanes de Nanterre qui refusent de donner leurs prénoms. Comme elles, ils sont nombreux cet après-midi à huer Najat Vallaud-Belkacem et Manuel Valls et à dénoncer le «réveil tardif des médias et la timidité des institutions de la République». Le récit de Kahina, jeune Argenteuillaise, agressée en 2009 à coups de cutter, venue rappeler au micro que son affaire n’avait toujours pas été élucidée n’aide pas à rassurer ceux qui se sentent «méprisés».
Lindsay, 21 ans, habite dans le même bâtiment que les deux femmes agressées. «C’est inadmissible de marcher dans la rue et d’être insultée voire frappée à cause de son appartenance religieuse». Cette jeune femme blonde, musulmane et non voilée, se dit inquiète. «J’ai peur maintenant. Surtout pour mes frères et mon père qui sont plus typés.»
Ahmed, 31 ans, serrurier à Argenteuil, ne se sent pas menacé.«L’islamophobie me donne encore plus confiance en ma foi. Ceux qui ont agressé les deux jeunes femmes veulent nous faire fuir, changer nos convictions, mais ils n’y arriveront pas. Ce genre d’agression renforce aussi notre communauté.» Mais aujourd’hui Ahmed aurait aimé qu’elle ne soit pas la seule représentée parmi les manifestants.
Un point de vue partagé par Pierre Mirsalis, enseignant et militant associatif à Argenteuil : «Les gens vont retenir la quasi-absence de caucasiens dans le rassemblement», dit-il, regrettant que la «gauche laïque, trop déconnectée de la réalité d’une société qui a beaucoup changé», n’ait pas pris l’initiative de ce rassemblement. Ce samedi après-midi, seules trois militantes du collectif Maman toutes égales étaient venues rappeler que c’est aussi deux femmes qui ont été agressées. «Dans cette histoire, racisme et sexisme sont bien évidemment imbriqués. Les féministes doivent arrêter de traiter différemment femmes voilée et non voilées.