Ils n’hésitent pas à faire le tour du pays pour acheter les ingrédients nécessaires pour le f’tour: La balade des gens…qui jeûnent

Ils n’hésitent pas à faire le tour du pays pour acheter les ingrédients nécessaires pour le f’tour: La balade des gens…qui jeûnent

Zlabia à Boufarik, cherbet à Blida, viande à Djelfa, poisson à Zemmouri…Le Ramadhan rend complètement fous certains de nos compatriotes qui ont inventé un nouveau sport, à savoir le Tour d’Algérie pour remplir son… couffin!

«W esh kho. J’ai un scoop. Il paraît qu’il y a de bonnes cailles à Lakhdaria. On va y faire un tour avant d’aller à Boufarik pour la zlabia et à Blida pour le cherbet.» Ce n’est pas une «boukala» de Ramadhan, mais un SMS envoyé par un jeune Algérois à l’un de ses amis durant ce mois de Ramadhan. Un texto qui résume parfaitement l’un des sports favoris de nos jeûneurs, à savoir, le Tour d’Algérie pour remplir son couffin! En effet, par gourmandise ou à cause des effets secondaires du jeûne, ils n’hésitent pas à parcourir des kilomètres pour acheter les ingrédients nécessaires pour un f’tour de Ramadhan… presque parfait. De véritables aventures culinaires, dont Bassem, est un grand fan. Habitant à Rouiba, ce père de famille fait tous les jours près de 50 km vers l’Ouest pour acheter de la zlabia. (confiserie traditionnelle algérienne).

Ni les longs trajets ni les encombrements n’empêchent Bassem d’atteindre son objectif qui est la zlabia de Boufarik (wilaya de Blida). «C’est la meilleure zlabia au monde, je ne peux pas passer un Ramadhan sans la zlabia de Boufarik», soutient-il en précisant qu’il n’est pas le seul à venir jusqu’à Boufarik pour acheter cette confiserie. «Les bouchons sont interminables dans cette ville pendant le Ramadhan. Plusieurs centaines de personnes prennent d’assaut la ville pour y acheter cette zlabia qui a fait la réputation de Boufarik. Je rencontre d’ailleurs souvent des proches, des voisins ou des collègues», rapporte notre ami. Il est vrai que la zlabia de Boufarik est un label. Mais les heures d’embouteillage en valent-ils la peine? «Non, ça me permet aussi de passer le temps. Sourtout depuis que le Ramadhan arrive en été, les journées sont longues. Que vais-je faire à la maison?», explique-t-il.

Que ne ferait-on pas pour la douceur du cherbet?

Si pour Bassem l’aventure s’arrête à Boufarik, ses «collègues» vont jusqu’au chef-lieu de la wilaya de Blida pour acheter de la cherbet (citronnade traditionnelle algérienne). Néanmoins, Alilou, propriétaire d’un bureau de tabacs, la trentaine dépassée, nous informe de la tendance actuelle en ce qui concerne le cherbet. «Le meilleur n’est plus à Blida, mais à Birtouta(banlieue ouest d’Alger)», assure-t-il avec fierté.

Et comme pour la zlabia, Alilou nous fait savoir qu’il y a un monde fou venu des quatre coins de la capitale et ses banlieues pour la douceur de ce cherbet. Dans les mêmes environs, Maktaâ Kheïra (commune de Douaouda, wilaya de Tipasa), on y va pour la dinde et le poulet. Dans ce haut lieu d’abattage de volaille à ciel ouvert, on trouve les viandes blanches à moindre coût. Sur toutes les routes de cette commune décorée de…plumes, on trouve de la volaille en vente. Halim le sait bien. Les conditions d’hygiène ne le rebutent pas. «Je sais que c’est frais et en plus avec mon faible revenu, cela me permet de faire des économies», avoue-t-il. «Li mayaktalche issamane», rétorque avec humour cet infirmier qui vient de Bab El Oued.

Toutefois, les déplacements de Farid, Alilou et Halim ne sont rien comparés à certains qui se rendent jusqu’à Djelfa pour acheter de la viande. Nous avons retrouvé l’un d’eux. Il s’agit de Fethi, père de famille, fonctionnaire, qui, tous les vendredis du mois de Ramadhan, part dans sa voiture avec ses amis pour parcourir plus de 350 km afin d’acheter de la viande. «Je n’ai rien à faire le vendredi. Donc tôt le matin, je pars avec mes amis à Djelfa pour faire le plein de viande pour la semaine», atteste-t-il. Le passe-temps n’est pas la véritable motivation de Fethi. «C’est surtout pour la qualité de la viande qui est meilleure que celle qu’on nous vend à Alger. En plus, les prix sont beaucoup plus bas», justifie-t-il. Pendant que certains se rendent à Djelfa pour la viande, d’autres prennent la direction opposée en partance pour Zemmouri (wilaya de Boumerdès, est d’Alger).

100 km pour du persil

Ils ne se rendent pas dans cette ville juste pour admirer ses côtes, mais surtout pour profiter du goût de la mer, le poisson. «Le poisson et la crevette de Zemmouri sont très réputés. Je suis un amateur de bourek au poisson. Alors pour que ma mère me prépare le meilleur bourek qui puisse y avoir, je lui ramène le meilleur poisson qu’il y a. Quitte à parcourir des dizaines de kilomètres», rapporte Faycel, jeune, célibataire, employé dans une banque privée. Fayçal qui habite à Belouizdad tient à préciser que l’année dernière il se rendait à Bouharoun (Wilaya de Tipasa, ouest d’Alger) pour acheter ce fameux poisson.

«Mais j’ai découvert le poisson de Zemmouri qui est moins cher et surtout meilleur», témoigne-t-il Autre histoire encore plus drôle, celle que nous raconte Fella à propos de son frère Mehdi. Très gourmand, ce dernier devient comme un fou pendant le mois de Ramadhan. Il achète tout et n’importe quoi. Le Ramadhan a des effets désastreux sur lui. Dès qu’on lui parle d’un quelconque produit alimentaire nouveau ou d’une certaine qualité, il va directement l’acheter. «Sa dernière trouvaille est d’être allé de Cheraga où il habite, vendredi dernier, jusqu’à Bordj Menaïel (100 km, wilaya de Boumerdès, à proximité de Tizi Ouzou), juste pour acheter du persil et de la coriandre, car on lui a dit que ceux de Bordj Menaïel étaient meilleurs et avaient de plus grandes feuilles!», relate-t-elle non sans souligner que Mehdi était aussi un habitué de Lakhdaria (ex-Palestro, wilaya de Bouira).

Il se rend à ses célèbres gorges pour les…cailles! Sur ces routes montagneuses, le commerce de la caille a fleuri. On en vend partout, c’est même devenu une spécialité. Ce qui n’a pas échappé aux amateurs qui viennent même d’Alger et de sa banlieue pour se les offrir. Et cela malgré les légendaires bouchons au niveau de cette route montagneuse. Voilà donc quelques histoires drôles de nos jeûneurs. Ils sont capables de faire des dizaines, voire des centaines de kilomètres pour satisfaire leur…estomac!