Ils se revendiquent du FLN historique: Ce qui fait jaser ces « gardiens du temple »

Ils se revendiquent du FLN historique: Ce qui fait jaser ces « gardiens du temple »

Des moudjahidine se donnent la légitimité de retirer leur «confiance» à une direction élue par ses militants.

Les mots sonnent comme une sentence: l’Algérie est aujourd’hui «dans une tourmente extrêmement dangereuse qui peut nous rappeler la terrible nuit coloniale», déclare Abderrahmane Meziane Cherif sur TSA. Le propos est lourd, voire trop lourd, surtout lorsque la blessante remarque émane d’un combattant pour l’indépendance. Dans un écrit censé expliquer pourquoi l’ancien ministre de l’Intérieur a joint sa signature au groupe de moudjahidine à l’origine de «l’Appel des Moudjahidine pour la délivrance du FLN confisqué», Meziane Cherif, ancien condamné à mort, déroule un argumentaire qui repose principalement sur le discours de l’opposition et sans aucune référence chiffrée ou objective, le signataire de la lettre contre Saâdani accuse le pouvoir de n’avoir pas tenu ses promesses et pousse la critique jusqu’à affirmer que «ce n’est certainement pas avec la direction actuelle du FLN qu’on peut calmer le peuple et échapper aux désastres économique, politique et culturel».

Mais le principal argument de cet ancien diplomate est résumé en deux phrases: «Nous avons un grave problème voulu et qui a pour but de salir, puis faire disparaître le FLN. Ceux qui sont derrière se trompent. Ils n’arriveront jamais à leur fin.» Ainsi, selon l’analyse de Meziane Cherif, l’objectif de Saâdani, mais également du président de la République et de beaucoup d’autres moudjahidine et fils de chahids militants du FLN, est de faire disparaître le parti, entendre par là, le ranger dans le musée de l’Histoire. Cette posture de «gardiens du temple» que prennent un peu trop facilement certains cadres de la révolution, empêche ce parti de tourner définitivement la page de la lutte pour la Libération nationale et ouvrir celle de la pratique politique moderne, au même titre qu’une multitude de formations politiques du paysage politique national.

Le FLN n’est pas un parti comme les autres, cette phrase sans cesse ressassée, par les différents dirigeants actuels du parti et par tous ceux qui gravitent autour de cette formation, amène à voir le parti comme une nébuleuse sans direction, puisque tout le monde se sent quelque part dépositaire d’une partie de son histoire. Meziane Cherif le dit clairement: «Je suis un pur produit du FLN.» Et donc à ce titre, il se donne le droit, à l’image d’autres moudjahidine comme lui, de retirer sa «confiance» à une direction élue par ses militants au motif que son FLN «a fait l’admiration de tous les peuples épris de justice et de liberté». Il décrète que le FLN de cette génération a totalement dévié, même s’il appartient à ses militants. Mais l’ancien ministre de l’Intérieur estime que «le FLN est la matrice fondamentale de l’Algérie contemporaine. On n’a pas le droit d’oublier ça, et on n’est pas autorisé à se taire devant cette situation annonciatrice de désordres et de soubresauts». Mais justement, le FLN de 2016 est un parti comme un autre et les problèmes de gouvernance qu’il peut connaître n’affecteront pas nécessairement tout le pays. Il semble que notre moudjahid n’a pas encore fait le voyage dans le temps. Il est resté à une époque où le FLN était le parti-Etat. Même s’il conserve une influence dans la prise de décision, il existe d’autres cen-tres de pouvoir et même des contre-pouvoir, quoi qu’en dise l’opposition.

Les arguments de Meziane Cherif sont certainement partagés par une partie des signataires de «l’Appel des Moudjahidine pour la délivrance du FLN confisqué», mais pas tous puisqu’un autre moudjahid, le commandant Azzeddine en l’occurrence, qui a émargé au bas de l’appel a expliqué son geste en affirmant une conviction en contradiction totale avec celle de Meziane Cherif. Dans un entretien accordé au quotidien Le Soir d’Algérie, l’ancien responsable du redoutable commando Ali Khodja, préconise ni plus ni moins que d’en finir avec le sigle FLN. Il en veut pour preuve que l’ANP, héritière de l’ALN, conserve le prestige qu’avait la glorieuse armée de Libération nationale, sans que personne ne s’offusque du changement de sigle. «Pourquoi n’en a-t-il pas été de même pour le FLN?», s’interroge-t-il, et il y apporte sa réponse: «Il faut aller de l’avant et se dire que le fait de changer d’attelage est un bienfait autant pour le cavalier que pour la monture: «Tebdil esserdj raha», comme on dit.

Le FLN, comme le reste, a besoin pour assurer son éternité, d’être soigneusement rangé dans la mémoire collective de la Nation et les archives de l’Etat.» Le propos est on ne peut plus clair.

Deux moudjahidine qui contestent la gouvernance d’un parti politique, mais préconisent une médication totalement contradictoire. On peut aisément déduire que l’hypothèse émise par Meziane Cherif et qui l’offusque au plus haut point, pourrait agréer le commandant Azzeddine.

Ces deux exemples illustrent assez bien la problématique du FLN qui n’appartiendra, disons-le, jamais vraiment à ses militants. Il se trouvera toujours quelqu’un pour s’arroger la légitimité, le droit d’exiger la tête du secrétaire général en exercice, même s’il ne figure sur aucune liste de militants d’aucune kasma du pays.