Incendies en Algérie : appels à lever le voile sur « la vérité »

Incendies en Algérie : appels à lever le voile sur « la vérité »

Prés d’un mois après le déclenchement des incendies qui ont ravagé forêts, villes et villages dans plusieurs wilayas d’Algérie, notamment celle de Tizi Ouzou, la plaie demeure béante, et la blessure est loin d’être cicatrisée. Ammouche Ferroudja, encerclée par les flammes au village Ait Atelli, à Larva Nath Irathen, le 9 aout dernier, a fini par rendre l’âme hier, à l’hôpital de Douera, après une longue souffrance.

“Nous n’avons plus le droit de nous taire !”, ont crié des universitaires et des intellectuels des quatre coins du pays, via une pétition ouverte à l’adhésion des citoyennes et citoyens. Le document, qui réclame que « toute la lumière soit faite et la justice rendue », appelle également à la « participation citoyenne ».

« Nous sommes sommés d’être dignes »

Dans cette pétition déjà signée par plus d’une centaine d’universitaires, chercheurs, intellectuels, militants politiques et des droits humains, syndicalistes et journalistes, un appel à “la mobilisation patriotique autour de la solidarité citoyenne” est lancé, tout en soulignant l’importance de l’union de tous les Algériens « contre toutes les manipulations et les manœuvres visant à casser leur union solidaire et à les détourner du sens de l’Histoire ».

Selon ces signataires, “les épreuves dramatiques que notre peuple vient de vivre, dans dix-neuf wilayas, et qui ont tourné au tragique particulièrement en Kabylie où plus de deux cents femmes et hommes — civils et militaires — ont péri brûlés vifs dans des incendies dont le nombre et la simultanéité, posent cruellement la question de leur origine et nous interpellent”.

Parmi les pétitionnaires on peut citer, Sandra Triki, maître de conférences à l’Université d’Annaba, Amer Ameur, historien, Crasc/Oran, Houari Abdelkrim, maître-assistant, Université de Mostaganem, Menad Si Ahmed, climatologue, expert des Nations unies, Kamel Bouzid, chef de service d’oncologie médicale, CPMC, et bien d’autres encore.

Pour un état de droit

L’appel de ces signataires s’incrit, affirment-ils dans le “combat pour l’avènement d’un État civil conforme aux standards de notre temps, c’est-à-dire moderne, de droit, démocratique, social et ouvert à la pluralité de notre société qui est une exigence urgente et incontournable”

Les premiers signataires de la pétition affirment que “les citoyens affectés par ces deux épreuves n’ont pas pu s’empêcher de ressentir l’absence de l’État”, selon eux, ce dernier était trop occupé par « la préservation de sa domination et de ses privilèges », et ce, au lieu de prendre les mesures nécessaires qui auraient pu permettre de sauver des dizaines de vies.

La pétition dénonce une « irresponsabilité des autorités », « l’absence de projet national d’avenir clair », « le renoncement au rôle de l’État comme garant de l’intérêt général », ainsi que « la généralisation de la corruption à tous les niveaux ».

Un mois après, le nombre des victimes demeure inconnu

Au lieu de s’engager au côté de la société civile, et d’une mobilisation populaire, le pouvoir a choisi d’aller sur la pente glissante de la politique, et ce, au moment où les sinistrés avaient besoin d’être rassurés. L’impact des incendies est loin de s’arrêter à une dimension économique, ses dégâts touchent également le volet social et psychologique de la population entière.

Aucun autre pays n’a enregistré autant de pertes humaines que l’Algérie, et ce, au moment ou les feux ont pu atteindre les portes de la capitale hellénique, Athènes. Dans le bassin méditerranéen, aucun pays n’a enregistré, malgré l’ampleur des incendies, plus de dix morts, alors qu’en Algérie, on parle de plus de 200 morts, et peut-être plus encore, vu que le chiffre officiel n’a jamais été communiqué.

Les incendies, criminels soient-ils ou accidentels, vont se déclencher de nouveau. Hélas, les services de la protection civile, ceux de la préservation des forets, sont loin d’avoir été renforcés. Les élus locaux, dont l’impuissance a mis à nu la fragilité du système de gouvernance, et a souligné, encore une fois les méfaits de la centralisation des pouvoirs, demeurent, au seuil des élections locales, dénués de la moindre marge de manœuvre.

La pétition lancée par ces intellectuels des quatre coins du pays souligne les égarements des responsables, mais salue toutefois “cette générosité et cet esprit de sacrifice sont la trame authentique de l’identité de notre peuple”.