Bombay – Réputé pour la qualité de ses soins et ses tarifs peu élevés, l’hôpital Tata Memorial de Bombay attire des malades du cancer par milliers. Mais beaucoup dorment dans la rue, faute de pouvoir se payer un hôtel.
Ils sont des dizaines à vivre pendant des semaines parfois dans les rues proches de l’hôpital, les toiles de plastique qui leur servent de tente les protégeant à peine des pluies violentes de la mousson. Les pansements, masques chirurgicaux et bandages divers trahissent la raison de leur présence à Bombay.
Suresh Patidar est venu du Madhya Pradesh, un Etat du centre de l’Inde, à douze heures de train de Bombay, avec sa femme Leela malade d’un cancer du sein.
«Il y a des rats, des moustiques, de la saleté», déclare l’homme en montrant la rue où le couple dort depuis un mois. Mais «un hôtel est très cher, c’est impossible pour nous».
Le Tata Memorial propose aux patients des chambres gratuites ou très peu chères à travers la ville, mais pas en nombre suffisant, alors que l’hôpital attire tous les ans quelque 50.000 patients. Et leur nombre augmente chaque année.
«Il y a toujours de plus en plus de monde», déclare S.H. Jafri, porte-parole de l’établissement. «Beaucoup d’organisations caritatives donnent des repas ou des produits de première nécessité (aux alentours de l’hôpital), ce qui fait que les gens restent là».
Les riverains se plaignent des routes encombrées et du manque d’hygiène. L’inpecteur de police Sunil Tondwalkar a écrit aux autorités de la ville pour leur demander de bouger les malades vers des logements appropriés. Il estime par ailleurs que ces attroupements peuvent attirer «les terroristes», «les mendiants et les voleurs».
Mais les patients n’ont pas d’autre choix. Peu d’hôpitaux en Inde proposent des traitements du cancer à des prix abordables pour les plus pauvres, voire la gratuité. Plus de 60% des malades du Tata Memorial bénéficient d’un traitement subventionné et 14% de soins gratuits, selon le porte-parole de l’établissement.
Créé par la famille Tata
Les familles qui dorment dans les rues ont indiqué à l’AFP payer une partie de leur traitement. Plusieurs ont dû vendre du bétail ou des terres.
«Les gens qui sont dans les rues vivent au jour le jour, ils n’ont aucune épargne», explique H.K. Savla, fondateur de l’ONG Jeevan Jyot Cancer Relief, qui distribue de la nourriture à 600 malades et leur famille deux fois par jour.
Le Tata Memorial, aujourd’hui établissement public, a été créé en 1941 par la famille d’industriels Tata, pour venir en aide aux patients les plus pauvres.
Le nombre de malades du cancer augmente rapidement en Inde, où 500.000 personnes sont mortes de cette maladie en 2010 selon une étude publiés par la revue médicale The Lancet en 2012.
Les cancers du col de l’utérus et du sein sont les plus fréquents chez les femmes, ceux du poumon et de la bouche chez les hommes, qui ont pour habitude de chiquer du tabac.
La hausse relative du niveau de vie, y compris parmi les Indiens les plus pauvres, entraîne une allongement de la durée de vie. Or «plus on vit longtemps, plus on court le risque d’avoir le cancer», rappelle Pankaj Chaturvedi, professeur de médecine.
Ponmuth Rajaram Haridas a 22 ans. Il vit depuis quatre mois sous une tente près du centre hospitalier, où il est traité pour une leucémie. Sur les recommandations de son médecin, sa mère cuisine matin, midi et soir riz, lentilles et légumes, sur un petit poêle.
La famille a vendu les moutons et une partie des terres mais le jeune homme a hâte de rentrer au village, dans un ou deux mois, à la fin de sa chimiothérapie.