« Avec la force de notre union, ils ne peuvent pas nous refuser …
Barcelone – «Avec la force de notre union, ils ne peuvent pas nous refuser un référendum et l’indépendance», s’exclame devant la basilique de la Sagrada Familia à Barcelone Fina Agullo, une femme de 65 ans qui participe à l’immense chaîne humaine des indépendantistes en Catalogne.
«Independancia», crie-t-elle avec les autres en prenant la main de ses voisins lorsque les horloges marquent 17H14, un rappel de la date du 11 septembre 1714, jour de la prise de Barcelone par les troupes franco-espagnoles à l’issue de la guerre de Succession, qui a abouti a réduire drastiquement l’autonomie de la Catalogne.
«En dépit des tentatives du gouvernement d’aller contre la volonté du peuple, nous voulons montrer que nous allons obtenir l’indépendance de manière pacifique», renchérit à ses côtés Albert Garcia, un médecin de 60 ans qui a posé une grande estelada, le drapeau indépendantiste catalan, pour s’unir à la chaîne.
Comme des milliers d’autres dans les rues de Barcelone, il est venu des heures à l’avance en famille et avec des amis pour cette Diada, Jour de la Catalogne, particulière.
Partout dans les rues, des esteladas ou des senyeras, les drapeaux catalan et indépendantiste, ornent les rues, les fenêtres des immeubles et les voitures.
Nombreux sont ceux qui se sont drapés de ces bannières ou qui portent le maillot jaune de la chaîne où est écrit «via catalana cap a la indépendancia» (voie catalane vers l’indépendance).
Certains brandissent aussi une banderole jaune proclamant : «un mètre plus près de la liberté», en catalan et en anglais.
Tous dénoncent «un mépris» du gouvernement espagnol, farouchement opposé à un référendum d’autodétermination en Catalogne et espèrent qu’il sera organisé en 2014 comme promis par le président de région Artur Mas.
«Je savais que cela allait être un succès mais maintenant c’est évident. J’espère que les politiques vont nous écouter une fois pour toute», dit Miguel Oliva, un cuisinier de 38 ans.
«Avant, je n’étais pas indépendantiste. Je me suis radicalisé avec le temps», souligne Albert Solé, un enseignant de 46 ans qui avec toute sa famille est au rendez-vous dans le village d’Arenys de Munt, bastion indépendantiste à 40 kilomètres au nord de Barcelone.
«Je me suis toujours senti très catalan mais aujourd’hui, nous sommes arrivés à un point où l’asphyxie économique est telle que le sentiment indépendantiste se trouve exacerbé».
La Catalogne est en conflit depuis plusieurs années avec Madrid, accusant le gouvernement central d’un déséquilibre fiscal asséchant ses finances et aggravant la crise économique.
Les indépendantistes veulent convaincre aussi les pays européens du bien-fondé de leur quête, sous l’oeil sceptique de touristes.
«Il faut que ça se voit de l’étranger, que nous sommes une sommes une nation», dit Alba Martinez, une étudiante de 23 ans.
Comme elle, ils sont des milliers au centre de Barcelone et la place de Catalogne s’est muée en une grande vague jaune et rouge, où un choeur entonne «l’Ode à la joie» de Beethoven, l’hymne européen.
Dans le stade du Camp Nou, où des dirigeants du FC Barcelone participent à la chaîne, les espoirs sont les mêmes.
Partout en Catalogne, les villages ont rivalisé d’idées pour marquer la journée dans des lieux symboliques. Comme au Musée Dali à Figueres où 200 personnes ont dessiné avec des parapluies oranges et noirs une pendule de l’artiste comme compte à rebours avant 17H14.
Comme à Arenys de Munt, un village qui s’est fait connaître en organisant en 2009 la première d’une série de consultations sur l’indépendance de la région.
Là, de nombreux habitants se sont préparés au son d’un groupe jouant un air de sardane, la danse traditionnelle catalane. Ils portaient les typiques «géants de Catalogne», figures issues des légendes locales, pour prendre part quelques kilomètres plus bas à la chaîne.
Et s’ils ont conscience de la difficulté, tous veulent y croire.
«Je sais que ce sera difficile de commencer un pays nouveau. Mais c’est la seule solution pour nos petits-enfants», assure Francisca Oro, une infirmière de 69 ans.