Industrie : Le constat amer des clusters

Industrie : Le constat amer des clusters

Les patrons des six clusters en place, en Algérie, ont présenté hier à la ministre de l’Industrie et des Mines Mme Djamila Tamazirt un large aperçu de leurs activités et leur projection future. L’occasion d’interpeller également la ministre sur les entraves qu’ils rencontrent sur le terrain, notamment en ce qui concerne les donneurs d’ordre « qui continuent de privilégier les prestations de firmes étrangères.

« Une inégalité de traitement qui nous cause un manque de trésorerie criant », a dénoncé Adel Bensaci, président du cluster « Mécanique de précision » créé en 2015. «Ce manque de trésorerie a poussé de nombreux patrons à cesser toutes activité. Pourtant, les textes réglementaires sont clairs et exigent des donneurs d’ordre de privilégier l’entreprise locale dans leur choix de prestataires de services », s’est offusqué Adel Bensaci. Il poursuivra en affirmant que «nous sommes nombreux à avoir investi beaucoup d’argent pour développer nos activités dans notre corps de métier, qui est la mécanique de précision, mais à ce jour, nous ne voyons rien venir des grands donneurs d’ordres que sont Sonatrach et Sonelgaz, dont les besoins en consommables sont importants, mais qui nous tournent le dos, alors que tout ce que nous produisons est d’une qualité irréprochable. »

Sur le montage automobile, le président du cluster « Mécanique de précision » n’y est pas allé avec le dos de la cuillère : « Nous avons espéré voir notre activité prendre de l’élan avec la mise en place de l’industrie du montage automobile, d’autant que les sociétés de montage ont été soumises à des échéances fixes sur le taux d’intégration à atteindre. Une exigence malheureusement ignorée. Ce qui me pousse à dire que notre industrie du montage est une véritable arnaque. »

Pour sa part, le président du cluster « boissons », Mourad Bouattou, a mis en avant l’intérêt de développer les clusters qui « sont à même de rendre effective la diversification de notre économie, dès lors où ils peuvent jouer un rôle important en matière de chaîne de valeur ». Il a souligné que les clusters « peuvent être une passerelle entre le monde industriel et le monde de la recherche ». M. Bouattou a, par ailleurs, demandé à la ministre à ce que les clusters « soient plus sollicités dans les prises de décision de son ministère, car si les clusters ont pu surmonter toutes les difficultés à leur démarrage, c’est grâce à la témérité des patrons d’entreprise à vouloir développer leur entreprise ». Ajoutant dans ce sens que, parfois, cela ne peut suffire devant la persistance de certaines difficultés.

Et à ce sujet, il citera en exemple les producteurs d’eau minérale qui, selon lui, n’arrivent plus à tirer des bénéfices de leur activé suite à la taxe de 1 DA par bouteille produite. « Sur un pack de six bouteilles, les producteurs sont redevables de 6 dinars, alors que le bénéfice tiré par pack ne dépasse pas les 10 DA. C’est dire toute l’inquiétude des producteurs et leur difficulté à se maintenir en activité », a alerté Bouattou. Du côté du cluster « Digital », on s’inquiète des quotas d’importation imposés sur les collections SKD et CKD. « Nous en sommes réduits à mettre à l’arrêt des chaînes de production », a relevé Mohamed Guerras, directeur commercial IT et mobile chez la société Iris électronique. Selon ce dernier, « nous avons déposé une requête auprès du Premier ministère afin de faire comprendre que la revue à la baisse des quotas nous pénalise grandement. Et que nous espérons que l’on tienne compte de la spécificité de notre secteur d’activité ».

Pour leur part, les présidents des clusters « Energie Solaire », « Tourisme » et « Dattes » ont, eux aussi, mis l’accent sur les résultats atteints grâce à la mise en réseau des PME. On citera entre autres l’intervention du président du cluster « Dattes ». Ce dernier n’arrive toujours pas à comprendre que le pays n’exporte que 3% de sa production annuelle de dattes. « Un taux très en deçà de nos possibilités », a-t-il lancé. Il s’est élevé contre le fait que « près de 50 000 tonnes sont jetés annuellement, car ne pouvant être commercialisées alors qu’elles pourraient être transformées en sucre de table ».

Il informera dans ce sens qu’ « une étude a été menée pour la création d’une usine pour extraire le sucre de la datte, ce qui pourrait réduire nos importations en la matière. Un projet qui n’a pas connu de suite », a-t-il déploré. A la fin des exposés des différents clusters, la ministre Djamila Tamazirt a promis que son département allait élaborer une feuille de route « pour soutenir les clusters, non seulement en phase d’élaboration, mais afin qu’ils puissent atteindre un niveau de développement au moins égal aux clusters d’innovation développés de par le monde ».

Bouzid Chalabi