Industrie, ressources humaines et technologies: Les nouveaux fronts de l’armée

Industrie, ressources humaines et technologies: Les nouveaux fronts de l’armée

L’ANP s’adapte aux nouvelles réalités géopolitiques en se modernisant et en investissant dans le savoir et la ressource humaine qualifiée.

L’Armée algérienne a compris ce que beaucoup d’autres secteurs semblent ou feignent d’ignorer. La ressource humaine qualifiée par la science, la créativité, la professionnalisation constitue pour elle «des éléments de la force» au service d’une doctrine adaptée aux temps modernes. Dans sa dernière livraison, la revue El Djeïch estime que celle-ci est «l’élément essentiel en vue d’atteindre les plus hauts degrés de disponibilité» et permet de «relever les défis de quelque nature et difficultés qui soient».

Et alors que l’université algérienne s’illustre plus par la violence qui l’agite que par son classement mondial où elle figure parmi les dernières, l’éditorial d’El Djeïch affirme dans son dernier numéro que la science est une priorité pour l’armée.

Former et attirer l’élite

Dans la même publication, Gaïd Salah, vice-ministre de la Défense nationale et chef d’état-major de l’ANP estime que «le savoir jouit de l’intérêt qu’il mérite et le critère intellectuel dispose d’une très haute classe» au sein de l’institution.

«Car nous sommes convaincus, a-t-il ajouté, que telles sont les normes sur lesquelles se bâtit la force des armées et grâce auxquelles elles atteignent de hauts niveaux.»

Le général de corps d’armée avait prononcé ces mots lors de la remise des prix de la sixième édition du concours de «la meilleure oeuvre scientifique, culturelle et médiatique». Cette distinction vise à «encourager l’esprit d’initiative» des militaires pour qu’ils contribuent «efficacement au développement constant des forces armées».

En d’autres mots, l’armée ne se conçoit plus uniquement comme une institution cantonnée dans des casernes ou déployée sur le terrain pour faire face et dissuader les menaces contre le territoire. Elle se mue petit à petit en un complexe militaro-industriel autonome qui produit son armement, ses véhicules, ses navires et ses avions. Elle dispose en outre d’instituts supérieurs, d’écoles et de centres de recherches multiples et variés d’où sortent chaque année des cadres de haut niveau dans diverses disciplines.

L’Armée algérienne organise par ailleurs des concours pour recruter chaque année la crème des jeunes diplômés pour ainsi étoffer ses effectifs avec de nouveaux cerveaux issus des universités et des instituts civils.

Modernité face aux menaces

Cet effort constant pour améliorer sa composante humaine s’inscrit en droite ligne dans sa politique de modernisation et d’adaptation aux nouvelles réalités géopolitiques. Les doctrines militaires ont radicalement changé depuis des décennies. Non seulement la logique qui prévalait lors de la Guerre froide où deux grands blocs s’affrontaient est maintenant de l’histoire ancienne, mais de nouveaux périls sont apparus.

Le terrorisme transnational, la cybercriminalité, le grand banditisme qui se dote de moyens et d’organisation dignes des Etats, les migrations, les épidémies et d’autres nouveaux dangers réclament une capacité de réaction adéquate.

En 2013, l’affaire de Tiguentourine avait montré qu’une armée d’aujourd’hui doit être capable de gérer en même temps une opération de police tout en veillant à la protection des personnes et des biens sans perdre de vue les impératifs de la communication et de la diplomatie.

Sans matière grise et sans compétences aux commandes, de telles actions ne sauraient être coordonnées et conduites efficacement.

Mission réussie

Ces aptitudes, l’ANP dit les avoir mises en pratique en juillet dernier lors de l’exercice tactique à balles réelles baptisé «Madjd 2017» qui avait réuni les forces terrestres, aériennes et de défense aérienne.

Selon El Djeïch, ces manoeuvres qui s’étaient déroulées dans la

3e Région militaire «ont débuté par des tirs de concentration effectuées par l’aviation et l’artillerie dans le but de stopper l’avancée des forces ennemies». Simultanément, il s’agissait de «faire face à leur aviation, de renforcer nos défenses» avant de créer «les conditions favorables» à une contre-offensive.

L’organe central de l’ANP juge que ces «actions se singularisaient par un professionnalisme remarquable» et «un haut niveau de compétence» qui ont permis aux militaires algériens d’atteindre leurs objectifs.

Cette impressionnante campagne qui a nécessité une année de préparation, s’était poursuivie par l’entrée en scène de la 40e division d’infanterie mécanisée qui, elle aussi, avait rempli, selon El Djeïch, promptement sa mission.

Même si cette simulation de guerre avait un adversaire imaginaire, l’énergie qui se dégage du mensuel de l’ANP prouve que l’institution a réussi un tournant dont le profane ne peut juger la juste valeur et l’ampleur. Une chose est sûre, cependant. Les forces armées algériennes ont acquis un poids régional considérable qui tient maintenant en respect les amis et les ennemis.

Colonne vertébrale

L’armée constitue d’autre part et plus que jamais la colonne vertébrale de l’Etat et veut renouer avec la tradition qui était la sienne jusqu’aux années 1980 en participant au développement du pays.

On se souvient en effet de son implication dans les années 1970 dans le bâtiment civil à travers sa direction nationale des coopératives. C’était également elle qui avait pris sur les épaules de ses soldats l’édification de la route transsaharienne et la plantation du Barrage vert qui devait traverser l’Algérie d’est en ouest pour arrêter la progression du désert. L’ANP a en outre toujours occupé les premières lignes à l’occasion des catastrophes naturelles qui avaient touché le pays, notamment lors du séisme d’El Asnam en 1980.

Après avoir quelque peu délaissé l’action civile pour se battre contre le terrorisme durant la décennie noire, elle cherche maintenant à devenir une locomotive industrielle et entraîner dans ce sillage l’économie. Le ministère de la Défense nationale s’est ainsi lancé dans une phase de modernisation de ses structures puis dans l’investissement industriel mécanique, naval et d’armement. Ses usines peuvent produire aujourd’hui ou monter divers types de véhicules militaires et civil ainsi qu’une large gamme d’armes.

Pendant ce temps, l’industrie civile démontre des faiblesses proches de la médiocrité et n’arrive pas à donner l’élan nécessaire pour lui faire quitter les zones turbulentes du sous-développement. Pourtant l’économie, on le sait depuis toujours et surtout depuis Machiavel, c’est ce qui permet à un pays de rester debout ou de s’effondrer sous les coups d’un ennemi.