Les maladies cardiovasculaires sont les pathologies les plus meurtrières dans notre pays et pourtant la prise de conscience, contrairement au cancer, est très limitée.
En effet, ces pathologies, particulièrement l’IDM, ont été responsables de plus de 25 000 morts en 2013, deux fois plus que le cancer. Ce qui fait de ces pathologies un drame sanitaire terrible mais hélas toujours silencieux pour l’opinion publique et le politique, malgré les cris d’alerte répétés des spécialistes.
Les chiffres avancés par les spécialistes sont implacables : plus de 2000 morts chaque mois à cause de l’IDM seulement. 25% des malades meurent avant même d’arriver à l’hôpital. À cet égard, le professeur Chettibi a confirmé : “On perd beaucoup de temps avant de commencer le traitement, sachant que les délais de la prise en charge sont de 6 à 12 heures.” Il a expliqué que “d’emblée le malade arrive dans les 2-3 heures après le début de la douleur, il attend dans la salle des urgences avec les autres malades. Lors de la consultation, le médecin généraliste demande généralement un ECG, mais cela n’est pas systématique, ce qui peut le faire passer à côté d’une urgence vitale. Le malade va par la suite être transféré s’il y a possibilité vers le centre d’angioplastie le plus proche”.
En effet, l’Algérie compte à peine une trentaine de salles de cathétérisme (public-privé) pour une petite cinquantaine de cardiologues angioplasticiens, répartis sur quelques grandes villes essentiellement côtières. Cette disparité régionale et la mauvaise répartition des ressources font que près de 80% de la population n’ont pas accès à un centre d’angioplastie. Si finalement le patient parvient à un centre d’angioplastie, 6 heures se sont écoulées en moyenne et le malade est en grande souffrance. Il n’est toujours pas sûr d’être pris en charge car le peu de salles de cathétérisme dont dispose le pays fonctionnent selon des horaires administratifs et régulièrement en rupture des dispositifs médicaux indispensables à la prise en charge de ces malades.
Pr Abdelmoumen Mekarnia, chef de service cardiologie à l’hôpital Mohamed-Seghir-Nekkache, a précisé qu’“actuellement en Algérie, on compte environ 4000 cas traités pour angioplastie coronaire par an”. Alors qu’en Tunisie, c’est 8000 cas par an pour une population d’environ 10 millions habitants, ce qui correspond à 8 fois plus de prise en charge qu’en Algérie. À titre indicatif, Grenoble, ville française de taille moyenne, compte 4000 ATC par an pour une population de 500 000 habitants, l’équivalent de toute l’Algérie. En effet, Pr Mekarnia a souligné que “seulement 25% de ce type d’intervention est pratiqué en urgence, c’est-à-dire l’angioplastie primaire”. Il a précisé que cela est dû à un “déficit de personnel et à une pénurie récurrente des dispositifs médicaux, à savoir les Stents”.
À ce titre, Pr Mekarnia indique qu’“il faut réguler les marchés et renforcer la maintenance biomédicale pour un meilleur fonctionnement des salles d’opération, qu’on appelle salles de cathétérisme”. Il a ajouté qu’“il est également indispensable d’avoir de véritables moyens de transport (SAMU et Protection civile) médicalisés avec un personnel formé”.
Pr Mohamed Chettibi a indiqué avec insistance qu’“à défaut d’angioplastie, on peut lever l’urgence médicale en supprimant totalement ou partiellement l’obstacle vasculaire par injection d’un fibrinolytique”. Cependant, même dans ce cas de figure, souvent le patient ne bénéficie pas de cette thérapie, car les médecins généralistes se contentent dans la prise en charge du patient de poser le diagnostic et d’orienter les patients.
Or “le médecin généraliste est le premier maillon dans le parcours de soin des malades qui présentent un syndrome coronaire aigu”. Le médecin généraliste ne doit pas hésiter, une fois le diagnostic confirmé, à procéder à la fibrinolyse : “Il est donc impératif de valoriser la formation des médecins généralistes ainsi que les infirmiers.”
Il précise que “les infirmiers dans les pays développés sont responsables de la prise en charge primaire, en effectuant un ECG dès l’arrivée du malade”.
Autre grand problème qui se pose, d’après Pr Chettibi, c’est “le faible niveau de management et la mauvaise gestion de ces salles d’opérations –cathétérisme. Il n’y a pas un bon fonctionnement. Cela est dû à un défaut de communication entre la tutelle et les praticiens. D’où la nécessité de la mise en place d’une politique sanitaire pragmatique et constructive”. Le professeur a estimé qu’“en regroupant les efforts et en essayant d’établir une coopération entre les décideurs et ceux qui sont sur le terrain, l’État, sans forcément dépenser plus, pourra, dans un premier temps, doubler le rendement des salles de cathétérisme et améliorer grandement la prise en charge par la fibrinolyse du patient atteint d’un IDM”.
Par ailleurs, Pr Chettibi a salué les efforts fournis par les jeunes cardiologues, qui “font des formations à l’étranger pour améliorer leurs compétences dans la chirurgie interventionnelle”. Il a confié qu’avec la Société algérienne des cardiologues (SAC), ils vont “très prochainement établir un registre national d’angioplastie et de coronarographie, informatisé et conforme aux normes internationales”.
Pr Chettibi semble optimiste et fier des efforts fournis par les cardiologues, malgré toutes les difficultés rencontrées, pour créer un “réseau de travail et de collaboration organisé entre les différentes structures sanitaires pour arriver à optimiser au maximum la prise en charge de patient atteint du syndrome coronaire aigu ST positif”.