Intervention militaire en Syrie: Réserves de l’Algérie, soutien du Maroc et silence en Tunisie

Intervention militaire en Syrie: Réserves de l’Algérie, soutien du Maroc et silence en Tunisie

Les Nations Unies n’ont pas encore confirmé la responsabilité de Bachar Al Assad dans les attaques chimiques du mercredi 21 août à Damas, mais La ligue arabe a déjà condamné le régime syrien ce mardi, sans l’ombre d’un doute. Les ministres des Affaires étrangères des pays membres de cette dernière adopteront, lors d’une réunion la semaine prochaine au Caire une résolution condamnant le président syrien et soutenant une éventuelle intervention militaire étrangère. Au Maghreb, le conflit divise.

L’Algérie émet des réserves

L’Algérie qui a déjà émis ses réserves devrait voter contre cette résolution, fortement soutenue par l’Arabie Saoudite et le Qatar. Les réserves de l’Algérie concernent l’alinéa 4 de la décision portant sur « le soutien total au peuple syrien pour se défendre » et le recours au Conseil de sécurité. Nadir Larbaoui, représentant de l’Algérie à La ligue arabe “a appelé toutes les parties à assumer leurs responsabilités et à prendre conscience du caractère sensible de la situation à travers le suivi du travail du groupe d’experts de l’ONU qui a entamé sa mission en Syrie sur l’usage d’armes chimiques dans l’attente des résultats de cette enquête qui permettront d’adopter une décision adéquate contre les auteurs de ces crimes”, rapporte l’agence algérienne APS.

Dans la presse, on dénonce l’attitude de La Ligue arabe et des pays “occidentaux” prêts à intervenir en Syrie. Le journal l’Expression titre son éditorial du jeudi 29 août, “Le scandale du IIIe millénaire »:

“En 2003, les Etats-Unis aussi, ont ignoré le «niet» de l’ONU en envahissant et en détruisant l’Irak. Qui leur a demandé de rendre des comptes, lorsqu’il s’est avéré que le prétexte n’était qu’un mensonge sans fondement? Qui demandera des comptes aux mêmes Etats-Unis, à la France, à la Grande-Bretagne, une fois le forfait contre la Syrie accompli? C’est cela le vrai drame et le vrai scandale de notre monde en ce début du IIIe millénaire.“, écrit le journaliste Karim Mohsen.

Pour Le Quotidien d’Oran, il faut préciser si La ligue arabe “exprime le point de vue de tous les États ou celui des rois et émirs du Golfe seulement. »

“Le pire pour nous, en tant que citoyens algériens, est de voir la Ligue arabe dont notre pays est membre servir d’alibi, de faire-valoir et même de pousse-au-crime en Syrie. Ce n’est pas la première fois. Cette ligue est totalement tombée entre les mains des monarchies du Golfe, elle n’exprime plus que les seuls intérêts des monarques du Golfe. Certes, l’Algérie a exprimé des « réserves » sur la résolution de la Ligue arabe qui soutient ouvertement l’intervention militaire occidentale et qui accuse, sans attendre les résultats de l’enquête, le régime syrien. Mais ces « réserves » ne suffisent plus. Il faudra que l’Algérie – et d’autres pays sont dans ce cas – clarifie les choses et dise si cette ligue exprime le point de vue de tous les Etats ou celui des rois et émirs du Golfe seulement.“

Dans le même journal, le journaliste Akram Belaid rappelle la division de l’opinion dans le monde arabe.

“Le fait même que les divisions au sein du monde arabe à propos de la Syrie soient passées sous silence en Occident pose problème. Prenons le cas de l’Algérie. Par anti-impérialisme, une grande majorité d’Algériens est opposée à une intervention militaire en Syrie. Et nombreux même sont ceux qui soutiennent ouvertement Assad. Cette réalité pose problème à la propagande pro-guerre car elle remet en cause l’idée d’une attaque militaire qui serait unanimement soutenue et saluée dans le monde arabe.” écrit-il.

Le Maroc favorable à la solution militaire

Le royaume chérifien a mis du temps à réagir. Six jours après l’attaque chimique à Damas, et quelques heures après la réunion des représentants de la Ligue arabe, le ministère des Affaires étrangères marocain condamne, dans un communiqué rendu public mardi 27 août, un “massacre ignoble qui défie la conscience humaine ». Selon le même communiqué, le Maroc “prend pour responsable le régime syrien des évènements et des conséquences qui en découleront” et appelle « la communauté internationale à œuvrer pour trouver une solution à même de sauver le peuple syrien et lui fournir des aides urgentes ».

Pour le site marocain Yabiladi, si le royaume rejoint les pays favorables à une intervention militaire c’est parce que les relations avec le régime syrien n’ont jamais été bonnes. “Damas abrite, depuis des années, une représentation du Polisario. Pire encore, le tapis rouge avait même été déroulé pour Mohamed Abdelaziz lors de son voyage en Syrie en 1987.” souligne Mohammed Jaabouk..

Le gouvernement tunisien reste muet

En pleine crise politique, la Tunisie se fait discrète sur une éventuelle intervention militaire étrangère aujourd’hui. Pourtant, c’est à Tunis que s’est tenue la première “Conférence des amis de la Syrie” le 24 février 2012, sous la co-présidence de la Tunisie et du Qatar. Le président de la République, Moncef Marzouki, s’était montré hostile à une intervention militaire étrangère en Syrie et avait proposé l’immunité judiciaire à Bachar et sa famille contre un refuge politique en Russie. M. Marzouki avait également appelé à la création d’une force arabe pour le maintien de la paix.

Au mois de juillet dernier, Moncef Marzouki avait déclaré dans une interview accordée au journal “Al Hayat” que le régime syrien était “fini” et a demandé à Bachar Al Assad de “se retirer”. Mais ces derniers jours, et alors qu’une opération militaire contre le régime syrien est imminente, la Tunisie ne précise pas sa position. Sa crise politique monopolise ses débats. La troïka au pouvoir reste muette sur la Syrie.

Du côté de l’opposition, le Front Populaire, coalition de gauche composée entre autres de partis nationalistes, a dénoncé cette éventuelle attaque contre la Syrie.

“L’attaque contre la Syrie ne constitue pas un soutien pour le peuple syrien dans sa quête pour la liberté et la démocratie, mais une occupation de ce pays dans le but de l’assujettir et de disloquer l’unité de son peuple pour servir les intérêts colonialistes et sionistes dans la région »,souligne le Front Populaire dans un communiqué.

Même son de cloche chez L’Union Générale des Travailleurs Tunisiens (UGTT) qui a mis en garde, dans un communiqué rendu public le 29 août, contre les « retombées catastrophiques » d’une éventuelle intervention militaire en Syrie et ses répercussions sur le peuple syrien et la région. La centrale syndicale estime que:

« Les motifs présentés par certaines forces étrangères pour justifier l’intervention militaire en Syrie rappellent les prétextes évoqués lors de l’agression contre l’Irak et l’intervention en Libye”.

L’UGTT appelle ainsi les forces nationales en Tunisie et dans la nation arabe à se mobiliser pour éviter toute agression contre la Syrie.

Pour les puissances internationales qui suivent la situation en Syrie de près, il n’y a pas encore de consensus en ce qui concerne la réponse. Il n’y a pas non plus d’accord sur la légalité ou la pertinence d’une action militaire hors autorisation du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le spectre des interventions du passées, comme celle en Irak, plane sur le dossier et complique la prise de décision.