Maroun Kairouz est un économiste libanais et le directeur pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord du Forum économique mondial, une organisation internationale basée à Genève. Avant de rejoindre le Forum, il a occupé des postes de direction à Oxfam, à la Banque centrale du Liban ainsi qu’à Procter & Gamble. Il est titulaire d’un master en économie du commerce international et de l’intégration européenne de l’université de Staffordshire, au Royaume-Uni, et d’un master exécutif en leadership mondial.
«Davos peut contribuer à amplifier la voix et les positions clés de l’Algérie»
Comment les discussions mondiales et les décisions prises au Forum de Davos se traduisent-elles par des avantages tangibles pour des pays comme l’Algérie ?
Tout d’abord Davos a inauguré, le 15 janvier, sa 54e édition, devenant au fil des décennies le rendez-vous incontournable des leaders politiques et économiques du monde entier Plus de 3500 personnalités de premier plan ont fait le déplacement, parmi lesquel figurent chefs d’État, chefs d’entreprise, universitaires et dirigeants d’Organisations internationales. Il est important de mentionner que les décisions ne sont généralement pas prises à Davos, puisqu’il ne s’agit pas d’un forum officiel comme l’Assemblée générale des Nations unies. Mais les dialogues, les coalitions et les alliances qui sont facilités lors de la réunion annuelle peuvent contribuer de la manière suivante : 1/En tant qu’événement le plus suivi au niveau mondial (en dehors du sport), il peut contribuer à amplifier la voix et les positions clés de l’Algérie auprès d’un public mondial (y compris la couverture des médias en Chine, en Europe, aux États-Unis, en Afrique et dans le monde arabe, par exemple). 2/Avec la participation de plus de 370 chefs de gouvernement et dirigeants de 800 des plus grandes entreprises, c’est l’occasion d’avoir un engagement constructif avec ces parties d’une manière efficace (imaginez le temps/coût d’avoir à voyager dans tous ces pays pour ces réunions à la place) ; 3/En tant que plus grande convocation de dirigeants d’entreprises, la participation de l’Algérie peut présenter les opportunités de l’économie algérienne aux investisseurs de premier plan et forger de nouveaux partenariats économiques.
Quelles opportunités spécifiques le Forum de Davos présente-t-il pour la croissance et la diversification de l’économie algérienne ?
Davos est le plus grand rassemblement de chefs d’entreprise du monde entier, y compris certaines des plus grandes entreprises chinoises, indiennes, africaines et latino-américaines. Il s’agit donc d’une occasion unique d’engager une discussion franche avec des dirigeants du secteur privé. Par exemple, le Premier ministre du Qatar a rencontré plus de 50 chefs d’entreprise cette année pour présenter une mise à jour de la troisième stratégie de développement national de l’État. Dans ce format, les chefs d’entreprise peuvent retirer des informations plus utiles qu’une mise à jour à la télévision, par exemple, et ont la possibilité de poser des questions et de clarifier leurs préoccupations directement avec le Premier ministre. Cela permet également d’établir des partenariats à long terme avec les principales parties prenantes.
De quelle manière les entreprises et les décideurs algériens peuvent-ils tirer parti des réseaux et des partenariats internationaux formés à Davos pour renforcer l’industrie et l’innovation locales ?
Le Forum économique mondial dispose de plusieurs communautés qui se concentrent sur les questions d’avant-garde afin de mieux comprendre les trajectoires qui auront un impact sur les économies du futur. Par exemple, notre réseau de centres pour la quatrième révolution industrielle (qui dispose de centres dans trois pays arabes : les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et le Qatar) examine comment les technologies émergentes (y compris l’IA, la blockchain, la robotique et la médecine de précision, par exemple) auront un impact sur les modèles commerciaux de la prochaine génération et agissent comme une « tour de contrôle » au sein du gouvernement pour façonner des réglementations centrées sur l’humain pour ces technologies. Le réseau peut également permettre un échange de bonnes pratiques et d’apprentissages.
Quels sont les principaux défis mondiaux discutés à Davos qui ont un impact direct sur l’Algérie, et comment pouvons-nous les relever efficacement ?
Parmi les principaux défis mondiaux discutés à Davos qui ont un impact direct sur l’Algérie, le changement climatique, la stabilité régionale et l’essor de l’IA générative se distinguent.
Le défi du changement climatique est très important pour l’Algérie et exige des approches innovantes en matière de gestion de l’environnement et de développement durable. La participation aux discussions mondiales, telles que celles de la réunion annuelle, permet à l’Algérie de s’informer sur les stratégies et les technologies d’atténuation et d’adaptation au climat, qui sont essentielles pour le programme national à long terme en matière d’environnement et de développement durable. Mais elle permet également aux décideurs algériens d’influencer la réflexion de leurs pairs en attirant leur attention sur les spécificités des contextes algérien et africain.
En termes de stabilité régionale, la position stratégique de l’Algérie dans une zone géopolitiquement sensible rend son implication dans les forums mondiaux impérative. Ces plateformes offrent des opportunités d’engager des dialogues et des collaborations significatifs et confidentiels sur le maintien de la paix et de la stabilité en Afrique, dans le monde arabe et dans la région méditerranéenne.
En 2024, la réunion annuelle s’est penchée sur l’émergence de l’IA générative. Cette technologie, tout en offrant un immense potentiel d’innovation et de croissance économique, présente également des défis importants en termes d’éthique, d’emploi, de sécurité et de réglementation. Pour l’Algérie, il est crucial de comprendre les implications de l’IA générative et d’intégrer ces connaissances dans les politiques et stratégies nationales. Une participation active aux conversations mondiales sur l’IA générative permettra à l’Algérie de garder une longueur d’avance sur les perturbations technologiques, en exploitant ces avancées pour la diversification économique et en veillant à ce qu’elles s’alignent sur les valeurs et les intérêts nationaux. En se préparant à l’impact de l’IA générative, l’Algérie peut se positionner en tant que leader dans l’adoption et la réglementation de cette technologie transformatrice d’une manière qui profite à son économie et à sa société.