Investi pour un 6e mandat, Mugabe fait un pied de nez à l’Occident

Investi pour un 6e mandat, Mugabe fait un pied de nez à l’Occident

Harare – Au pouvoir depuis déjà trente-trois ans, Robert Mugabe a été investi en grande pompe jeudi pour un nouveau mandat à la présidence du pays, faisant un pied de nez à ses opposants et aux Occidentaux qui ont contesté la validité des élections du 31 juillet.

Devant des dizaines de milliers de partisans enthousiastes réunis dans un stade de la capitale Harare en ce jour déclaré férié, M. Mugabe, qui est âgé de 89 ans, a juré d’«observer, faire respecter et défendre la Constitution du Zimbabwe et toutes les lois du Zimbabwe».



La Constitution, relativement libérale sur le papier, n’a été adoptée qu’en mars, mais le président peut la modifier à sa guise, son camp ayant remporté plus des deux tiers des sièges au Parlement.

Absent de marque à la cérémonie, le Premier ministre sortant Morgan Tsvangirai, qui a qualifié le scrutin d’«énorme farce». Il partageait tant bien que mal le pouvoir avec M. Mugabe depuis quatre ans, les pays voisins les ayant forcés à cohabiter pour éviter une guerre civile à un Zimbabwe ruiné par l’hyperinflation.

Si la Cour constitutionnelle zimbabwéenne a jugé mardi les élections du 31 juillet «libres, honnêtes et crédibles», l’opposition ne cesse de dénoncer des fraudes massives.

Le MDC de Morgan Tsvangirai explique notamment que des centaines de milliers d’électeurs des villes –les zones qui lui sont les plus favorables– ont été systématiquement exclus des listes électorales, lesquelles n’ont été rendues publiques qu’au dernier moment, ce qui a empêché toute vérification sérieuse (et a fortiori toute contestation).

Il a aussi observé que des dizaines de milliers de personnes ont été «aidées» à voter par des agents électoraux proches du président.

La plupart des pays occidentaux ont condamné un scrutin entaché, selon eux, d’importantes irrégularités, la Grande-Bretagne –ancienne puissance coloniale– allant jusqu’à réclamer jeudi une «enquête indépendante».

«Je suis déçu que le résultat de l’élection ait été approuvé lors du sommet de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) le week-end dernier», a regretté le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague dans un communiqué.

«Quant aux quelques pays occidentaux qui peuvent avoir une vision différente, négative, de notre processus électoral et de ses résultats, eh bien, il n’y a pas grand-chose que nous puissions faire pour eux. Nous les rejetons comme des gens vils dont nous devons pleurer la turpitude morale. Ils ont le droit d’avoir leurs opinions, pour autant qu’ils reconnaissent que la majorité de notre peuple a approuvé le résultat des élections», a rétorqué le vieux président.

«Et pour nous, c’est tout ce qui compte!»

«Aujourd’hui, c’est la Grande-Bretagne et ses dominions de l’Australie et du Canada qui osent nous dire que nos élections n’étaient pas justes et crédibles. Aujourd’hui, c’est l’Amérique avec toute son histoire d’esclavage qui ose élever une voix réprobatrice (…) et dire que les élections n’étaient pas justes», a-t-il relevé, à la grande joie de ses partisans.

Des bannières portaient dans le stade des messages vantant les dirigeants africains et dénonçant les gouvernements occidentaux accusés d’ingérence dans les affaires zimbabwéennes.

«Quel Africain a jamais observé des élections en Europe, en Amérique?», pouvait-on lire sur l’une d’entre elles. «L’Afrique a parlé, respectez sa voix», disait une autre.

M. Mugabe et ses proches sont visés par des sanctions américaines et européennes depuis les élections de 2002, qui déjà étaient contestés.

«Nous allons très certainement rester confrontés à ces sanctions pendant très longtemps», a-t-il estimé jeudi.

«Nous allons continuer à regarder vers l’Orient», et en particulier la Chine, beaucoup moins exigeante en matière de respect de la démocratie, a ajouté le vieux président zimbabwéen.

Contrairement aux Occidentaux, l’Union africaine et les quinze pays de la SADC ont adoubé M. Mugabe, trop contents que le scrutin se soit déroulé dans le calme.

Alors que Morgan Tsvangirai était arrivé en tête au premier tour de la présidentielle de 2008, les partisans du président s’étaient déchaînés, faisant près de 200 morts. M. Tsvangirai s’était alors retiré, laissant Robert Mugabe, seul en lice.

Parmi les mesures que prendra son futur gouvernement, Robert Mugabe a promis d’intensifier sa politique d’«indigénisation», qui vise notamment à octroyer à des Zimbabwéens noirs la majorité du capital des filiales locales de groupes étrangers.

«Le secteur minier va être la pièce centrale de notre reprise économique et de notre croissance. (…) Nous devons intensifier l’exploitation des gisements existants. Plus de minéraux restent inconnus, inexplorés», a-t-il relevé.

Et celui qui a ruiné dans les années 2000 ceux qu’il avait libérés trente ans plus tôt d’assurer: «Je vous promets de meilleures conditions de vie!»