Après la France, la Belgique et l’Allemagne, l’Italie craint d’être la cible des terroristes de Daech. Les forces de l’ordre sont sur les dents.
Les services de renseignements italiens, très actifs notamment en Libye, font remonter depuis plusieurs mois des informations laissant craindre une opération djihadiste imminente. La police transalpine multiplie, depuis le printemps, les coups de filet dans les milieux islamistes.
Un Tunisien de 25 ans, Bilel C., soupçonné de préparer un attentat contre la tour de Pise, a été interpellé jeudi et expulsé dans la foulée. Les autorités affirment qu’il avait prêté allégeance à l’État islamique et entretenait une correspondance électronique sans ambiguïté sur ses intentions avec deux amis partis combattre en Irak. L’affirmation, faite sur Facebook, selon laquelle il entendait prochainement leur « faire honneur », a été interprétée par les juges italiens comme une menace suffisamment sérieuse pour que soit prise une mesure d’éloignement immédiate. Inscrit à l’université de Turin, l’étudiant a été reconduit en Tunisie. La justice lui interdit aujourd’hui définitivement l’entrée sur le territoire italien.
Une menace prise très au sérieux
Un cas isolé ? Pas vraiment. Les autorités ont arrêté fin juillet un Pakistanais de 26 ans, Aftab F., lui aussi suspecté de préparer une action violente au nom de Daech. L’affaire a fait grand bruit de l’autre côté des Alpes car le jeune homme se trouvait être l’ancien capitaine de l’équipe junior de cricket italien. Soumis depuis plusieurs mois à une surveillance constante des services de sécurité, ce sportif cherchait à se procurer une kalachnikov, a affirmé le ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano.
Dans des conversations téléphoniques interceptées, Aftab F. exprimait le souhait tantôt de partir en Syrie, tantôt de commettre une attaque contre un bar de Milan ou au sein de l’aéroport de Bergame (ville située à moins d’une heure de route au nord de la capitale économique italienne). Habitant la commune de Vaprio d’Adda, dans la banlieue de Milan depuis 2003, date à laquelle il était arrivé en Europe avec ses parents, le jeune homme a été expulsé, le 3 août, vers Islamabad.
Selon le quotidien italien La Stampa, le jeune homme avait « changé » au cours des derniers mois. Il s’était fait pousser la barbe et avait commencé à obliger sa femme à porter la burqa. La famille d’Aftab F. comme celle de Bilel C. contestent ces expulsions et ont annoncé leur intention de saisir la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour obtenir l’annulation de ces décisions.
Des mesures présentées comme « préventives »
Au mois de mai, l’agence italienne Ansa révélait que cinq hommes, d’origine afghane et albanaise, faisaient l’objet d’un mandat d’arrêt international en raison de signalements des services secrets belges et britanniques indiquant qu’ils faisaient partie d’une cellule terroriste dormante. Deux d’entre eux ont été interpellés. Trois autres sont en fuite. Les enquêteurs ont retrouvé, dans les téléphones portables des deux personnes arrêtées, des photos d’eux en arme ainsi que des clichés de sites potentiellement visés : des centres commerciaux en Italie, l’aéroport de Bari (dans le sud de l’Italie), mais aussi des monuments romains : tels le Colisée et le Cirque Maxime.
En avril dernier, Abderrahim M. était interpellé pour des faits similaires à Lecco, sur les bords du lac de Côme. Cet Italo-marocain de 28 ans est accusé d’avoir fomenté un attentat ciblant à la fois l’ambassade d’Israël à Rome et la cité-État du Vatican. Quatre autres personnes (dont sa femme) ont été arrêtées par la même occasion. Toutes sont poursuivies pour la préparation d’actes terroristes.
Le nord de l’Italie où ont eu lieu la plupart de ces arrestations fait l’objet d’une surveillance renforcée de la part des services antiterroristes, qui soupçonnent cette région frontalière avec la Suisse d’abriter encore des candidats au djihad. Ces suspicions font peser un climat délétère sur les communautés musulmanes locales. Le 29 juillet, un imam marocain de 52 ans, Mohamed Madad, récemment arrivé à Vicenza, en Vénétie, a ainsi été arrêté sur dénonciation anonyme et expulsé du pays. La justice lui interdit de revenir en Italie avant quinze ans. « Son seul tort avait été de prénommer l’un de ses enfants Jihad », déclare un fidèle de la mosquée de Noventa Vicentina (à 70 kilomètres de Venise). « Or ce prénom est commun dans le monde musulman où il ne fait pas référence à la notion de guerre sainte mais simplement d’effort », affirme le même homme.