Devant une salle pleine à craquer, Ali Benflis sortira d’emblée la carte identitaire. “L’Algérie doit avant tout se réconcilier avec elle-même, avec sa langue et son identité, et pour cela, je m’engage à donner à tamazight toute sa place. Je vais régler cette question, c’est moi qui vais la régler si je suis élu président”, a déclaré le candidat Ali Benflis sans, toutefois, préciser s’il s’agirait de son officialisation. Après un tonnerre d’applaudissements, Benflis a plutôt nuancé en parlant de “promouvoir tamazight au même titre que l’arabe et l’islam”. Une promotion qui devra passer, a-t-il expliqué, par la création d’une grande école régionale de tamazight, la généralisation de son enseignement en Algérie et à l’étranger et son introduction dans l’épreuve du bac et d’autres mesures encore qui permettront l’épanouissement de cette langue qui mérite, a-t-il dit, “une grande considération”.
Pour montrer son attachement à cette langue, Benflis ne s’est pas contenté de prononcer quelques phrases en kabyle et en chaoui, mais s’est également attaqué au pouvoir qui continue de la mépriser. “Qu’ils apprennent à parler tamazight avant de venir nous traiter de nains”, a-t-il dit faisant allusion à la petite phrase méprisante de Bouteflika en 1999. Ali Benflis, qui s’est recueilli à son arrivée à Tizi Ouzou à la mémoire des martyrs de 1963, à M’douha, puis de celle de Matoub Lounès au carrefour portant son nom, puis encore de celle des victimes du Printemps noir en 2001, a également titillé l’héroïsme de cette région qui a joué, dit-il, un rôle d’avant-garde dans tous les combats pour l’Algérie.
“Soyez fiers de votre histoire ! Votre attachement à l’Algérie ne date pas d’hier, il est millénaire, et je connais vos combats et vos luttes sans cesse pour une Algérie libre et démocratique”, a-t-il déclaré, avant de rendre un vibrant hommage à Fadhma n’Soumer, Chikh Ahedad, Krim Belkacem, Amirouche, Sadek, Yazourène Mohand Oulhadj, Ali Zamoum, Aït Ahmed, Mouloud Mammeri, Mohamed Arkoun, Matoub Lounès, Aït Menguelet et Ali Yahia Abdenour. “Si Abane était encore vivant, ils auraient tous baissé les yeux devant lui, et ceux qui ont été tués en 1963 sont morts pour la démocratie et non pas en braquant une banque”, a-t-il encore dit, ajoutant qu’avec tous ceux-là, “cette région mérite respect et reconnaissance parce qu’elle a permis au pays d’avancer”.
Lors de son meeting, Benflis ne s’est pas contenté de distribuer des fleurs. Il a aussi décoché des flèches contre Bouteflika et les membres de son clan sans, toutefois, les nommer. “Ils savent qu’ils ne peuvent plus convaincre le peuple avec leur projet néfaste, alors ils préparent la fraude. Ils sont passés de la fraude dans l’intérêt national à la fraude comme constante nationale, puis maintenant à la professionnalisation de la fraude”, dira l’hôte de la ville des Genêts, avant d’appeler la population à se mobiliser pour déjouer cette fraude que préparent “les opportunistes qui ont pris le pays en otage, qui l’ont livré aux injustices et au népotisme, tout en refusant l’alternance et en instaurant une justice de nuit qui blanchit les voleurs”.
“Ce système a montré ses limites et le peuple ne peut pas accepter que l’Algérie devienne un royaume après le viol, et je dis bien viol, de la Constitution en 2008. Le peuple veut le changement ! On en a tous marre”, a-t-il encore déclaré, tout en appelant à l’aide le peuple pour libérer la justice, les médias, le Parlement et le peuple. “Je vais briser les chaînes et abattre la dictature”, a conclu Benflis, non sans mettre l’accent sur le cynisme de ceux qui ont passé 15 ans à matraquer l’opposition, à invoquer la main de l’étranger, et qui promettent aujourd’hui d’accorder une place de choix à cette opposition, et aussi qui ont passé 15 ans à couler l’Algérie et qui promettent le paradis pour les cinq années à venir. Pour Benflis, l’Algérien veut vivre pleinement sa citoyenneté, mais le système n’a pas les capacités de l’écouter.
“Il a montré ses limites. Alors, il doit céder la place”, dira-t-il sous les acclamations : “Benflis président !”