Les Taliban afghans ont diffusé, samedi, un message audio attribué à leur chef, le mollah Akhtar Mansour, affirmant qu’il était en vie et dénonçant la « propagande ennemie ». L’authenticité de la voix sur l’enregistrement fait débat.
« J’ai enregistré ce message afin que tout le monde sache que je suis en vie. » Tels seraient les mots prononcés par le chef des Taliban afghans, le mollah Mansour, selon un document audio envoyé à des médias par un porte-parole du groupe islamiste, samedi 5 décembre.
« Je ne me suis battu avec personne, il n’y a eu aucune réunion et je n’ai pas été à Kuchlak depuis des années. Tout ça c’est de la propagande ennemie », ajoute calmement la voix masculine enregistrée sur ce fichier d’une durée de plus de 16 minutes. Selon les insurgés, cet enregistrement vient démentir les « rumeurs » destinées à affaiblir le mouvement islamiste.
Auparavant, des hauts responsables des services de renseignement afghans, ainsi que plusieurs sources talibanes, avaient affirmé que le mollah Mansour avait été grièvement blessé mardi dans une fusillade, lors d’une réunion de cadres de l’insurrection à Kuchlak, près de la ville pakistanaise de Quetta.
Vendredi, un porte-parole du gouvernement afghan, Sultan Faizi, était allé plus loin, assurant sur Twitter que Mansour, qui a pris la succession du charismatique mollah Omar il y a un peu plus de quatre mois, n’avait pas survécu aux tirs.
Doutes sur l’authenticité de la voix
L’authenticité de la voix enregistrée sur la bande, qui n’a pas pu être vérifiée de source indépendante, prête cependant à débat. Sitôt après la diffusion de ce message, certains commandants talibans ont estimé qu’il s’agissait bien du mollah Mansour et ont même déclaré avoir été présents au moment de l’enregistrement. « Ce message a été enregistré hier par notre leader Mansour, nous étions là », a déclaré l’un de ces cadres.
D’autres hauts responsables talibans ont toutefois mis en doute l’authenticité de ce message. Un cadre a ainsi estimé que l’insurrection cherchait à gagner du temps afin de désigner un nouveau chef et se remettre « de ce choc soudain ». « Nous avons besoin de preuves supplémentaires », a-t-il estimé.
« Je crois qu’on a imité sa voix. Mansour lui-même nous a trompés pendant deux ans. Comment peut-on avoir confiance aujourd’hui ? », a quant à lui indiqué à l’AFP Mawlawi Hanifi, un commandant établi dans la province méridionale de Helmand, mettant en lumière les dissensions qui règnent au sein d’un mouvement.
Les Taliban se méfient en effet d’une direction qui avait gardé longtemps secrète la mort du mollah Omar, en 2013. Le décès du leader historique n’avait été officialisé qu’en 2015. Pendant ce temps, des messages pour la fête de l’Aïd attribués au mollah Omar avaient continué à être diffusés.
Dissensions au sein des Taliban
La nomination du mollah Mansour, qui était le numéro deux du mollah Omar, avait été jugée précipitée par certains. Elle fut aussitôt contestée par plusieurs mouvances de la rébellion, dont la famille du mollah Omar et des chefs militaires.
Début novembre, une faction dissidente s’est constituée formellement, en se choisissant un chef, le mollah Mohammed Rassoul, qui nie toute légitimité à son rival. Partisane d’une ligne dure et proche de l’organisation de l’État islamique, cette dissidence constitue également un défi majeur pour les pourparlers de paix, actuellement suspendus, alors que le mollah Mansour est perçu comme favorable au dialogue avec le gouvernement afghan.
Le porte-parole du gouvernement Sultan Faizi a d’ailleurs préféré rester prudent après la diffusion du fichier audio. Dans un nouveau tweet, il a indiqué que le gouvernement ferait « sa propre évaluation ».