400.000 schizophrènes sont signalés en Algérie, soit 1% de la population globale, selon les normes établies par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Mais au-delà des chiffres, il y a la réalité incontournable de cette maladie handicapante, honteuse et pour beaucoup méconnue, sujette à de nombreuses idées reçues.
La stigmatisation du patient est une conséquence directe de la méconnaissance de la maladie par le grand public. Une première : une journée de sensibilisation à la schizophrénie en présence d’experts psychiatres, psychologues, médecins généralistes et familles a été organisée ce samedi 15 juin à l’hôtel Mercure, Bab Ezzouar-Alger. Si le terrain est défriché quant à la prise en charge de cette pathologie, il n’en demeure pas moins que l’on attend beaucoup des praticiens pour soulager et le malade et les familles lesquelles le plus souvent sont dépassées par toutes les contraintes induites. Le ministère de la Santé et de la Réforme hospitalière, et dans le cadre du mémorandum du Plan de santé mentale en partenariat avec les laboratoires Janssen/Neuroscience, invite au débat sur les troubles mentaux qui constituent aujourd’hui une sérieuse problématique en Algérie dont les plus fréquents sont la dépression, l’addiction, la schizophrénie, les troubles bipolaires et troubles obsessionnels compulsifs qui relèvent de la psychiatrie.
Il est mis face à face les experts, spécialistes et médecins généralistes et les familles concernées pour certaines accompagnées de leur malade sans doute pour une meilleure communication et faire «toucher du doigt» des exemples concrets. C’est pourquoi, il est dit que cette journée sera une occasion de partage, de communication et d’information en présence du responsable du département de santé mentale du ministère de la Santé, l’association de patients, les médecins généralistes, les psychologues pour évoquer de nombreux aspects de la prise en charge (traitement, thérapie psychosociale, entourage du patient…). Janssen active depuis 60 ans, indique-t-on, dans la prise en charge des pathologies neuropsychiatriques et plus particulièrement dans la schizophrénie par des experts scientifiques dans le domaine de la psychiatrie. Le laboratoire s’est fixé comme objectif d’améliorer la qualité de vie des patients à un stade précoce de la maladie en contribuant au développement d’une meilleure prise en charge globale de cette pathologie, souligne-t-on.
1 000 psychiatres, des milliers de psychologues activent dans le pays. Aux grands maux les grands moyens ? Un plan national de promotion de la santé mentale est validé en 2017 et mis en œuvre l’année suivante. La schizophrénie, insiste-t-on, est une pathologie lourde qui impose en permanence la recherche de modes de traitements les plus efficients. Ainsi, un certain nombre d’axes ont été retenus dont les médicaments qui prouvent leur efficacité aujourd’hui et qui sont une alternative à l’hospitalisation systématique avec tous les aspects négatifs qu’elle entraîne dont le plus regrettable est l’isolement du malade et la problématique de sa réinsertion sociale.
La construction de nouvelles structures psychiatriques devrait être plutôt compensée par le traitement médicamenteux du malade chez lui. Un gros effort, selon les conférenciers, doit être fait dans l’information et la communication. Il est question de l’ouverture d’un service communication dans chaque établissement de santé.
Le fait nouveau dans cette rencontre de spécialistes des maladies mentales est l’association de médecins généralistes dans le dépistage précoce des maladies psychiatriques grâce à leur passibilité d’écoute et leur proximité. D’ailleurs, ce vendredi 14 juin, une journée de formation pédagogique a été organisée dans cet esprit au profit des médecins généralistes venus de plusieurs régions du pays. Pivot dans l’intégration des malades, le médecin contribue selon l’OMS, à réduire de 80% les frais dans le cas où le malade reste chez lui pour les soins. En effet, son apport permettra aux familles plongées dans le désarroi de réagir positivement en s’adressant à la science plutôt qu’au «raqi» et autres charlatans prompts à profiter de leur malheur pour exorciser un «djin» imaginaire. C’est le cas de ce père de famille en vacances en Tunisie qui se retrouve brusquement devant son fils tombé malade sans aucun signe avant-coureur. Il dit regretter s’être adressé à un imam.
Ce fut pour lui un choc que d’apprendre la maladie de son fils. En deuxième année universitaire, le jeune adulte a dû interrompre ses études pour se consacrer aux soins. «Le cerveau est un organe qui peut connaître des dysfonctionnements et qu’il convient donc de traiter au même titre que les autres organes», dit le professeur Kacha. Mais qu’en est-il devant cette famille de 7 enfants, tous handicapés mentaux dont un schizophrénique ? Le soutien de l’Etat est tout juste de 4 000 DA – une misère que supporteront les établissements psychiatriques avec un coût de 7 000 DA par personne et par jour.
Par ailleurs, cette maladie du cerveau, dit le professeur Kacha, de l’hôpital de Cheraga (Alger) touche indistinctement les deux sexes et sa manifestation apparaît dès l’adolescence et à l’âge adulte (15-25 ans) et va s’aggravant inexorablement avec l’avancée de l’âge. Ce traitement de proximité trouve aussi son prolongement dans les structures psychiatriques de proximité à l’image de celle de Bouchaoui qui reçoit les malades une fois «stabilisés» dans la mesure où ils peuvent s’y rendre par eux-mêmes. L’on affirme ainsi qu’il y a des cas de guérison allant jusqu’à 95% ! Mais il se trouve aussi, qu’en plus du suivi médical et les médicaments, l’apport du traitement psychothérapeutique est d’une grande importance. S’il est fait peu de cas schizophrèniques en milieu rural et plus dans les villes, il reste que l’encadrement par un faisceau d’associations peut rendre d’énormes services à toutes les familles impactées par une maladie qu’elles jugent «honteuse», préférant cacher cette tare dans l’isolement et la solitude.
Brahim Taouchichet