Journée mondiale de l’enfance : Les damnés des réformes structurelles

Journée mondiale de l’enfance : Les damnés des réformes structurelles

La Journée mondiale de l’enfance, instituée en 1954 par les Nations unies, elle est célébrée tous les ans en Algérie en grandes pompes, du moins sur le plan officiel.

Les enfants vivent une situation désastreuse, selon les statistiques. de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et la recherche, il y aurait environ plus d’un million quatre cent mille (1,4) enfants à être exploités sur le marché parallèle du travail.

Aujourd’hui, 1er juin, les enfants du monde entier célèbrent leur journée. La Journée mondiale de l’enfance, instituée en 1954 par les Nations unies, elle est célébrée tous les ans en Algérie en grandes pompes, du moins sur le plan officiel. Qu’en est-il des principaux concernés, les enfants. Ils vivent une situation désastreuse, selon les statistiques.

Selon, la Fondation nationale pour la promotion de la santé et la recherche (Forem), il y aurait environ plus d’un million quatre cent mille (1,4) enfants à être exploités sur le marché parallèle du travail. Selon cette étude de la Forem, plus de la moitié des enfants (53%) travaillent pour aider financièrement leurs familles et (75%) d’entre eux affirment avoir toujours donné l’argent à leurs parents. Près de 60% des enfants ont arrêté l’école au cycle primaire, la moitié d’entre eux soulignent avoir quitté les bancs de l’école sans subir de pression de quiconque.

Il reste que cette étude s’est limitée à cette catégorie de la population juvénile, relativement bien lotie, comparativement à celle qui vit avec des parents SDF ou qui recoure à la mendicité pour survivre. Alger, hier par cette chaude journée printanière. Les enfants sont à l’école à cette heure-ci, il est 10h20. Il fait chaud. Le soleil commence à darder ses rayons brûlants. Les passants se protègent autant qu’ils peuvent à l’ombre des arbres bordant la rue Didouche-Mourad.

La mendicité pour survivre.

Tout en bas de cette artère très animée en ce jour de semaine, il y a la petite ruelle qui mène vers le marché Rédha Houhou. Pour accéder à ce lieu public, on emprunte des escaliers. C’est ce lieu qu’a choisi M. S. et sa petite famille pour y élire domicile pour quelques heures, le temps d’amasser quelques dizaine de dinars pour assurer la subsistance de la journée pour sa femme et ses trois enfants qui l’accompagnent dans sa détresse.

Ce que raconte M. S. est le drame social que vivent comme lui, des milliers d’Algériens, victimes des réformes structurelles. Un doux euphémisme pour dire la compression de personnel, licenciements opérés dans des unités de production et un avenir incertain et douloureux pour beaucoup de travailleurs à l’instar de M. S.

Il y a quelques années, notre interlocuteur était employé dans une société nationale. Il vivait correctement avec son modeste salaire. Habitant une ville de l’Algérie profonde, sa petite famille n’exprimait pas de grands besoins. Le superflu était banni de son quotidien.

Le minimum était néanmoins assuré, jusqu’au jour où il reçu la mauvaise nouvelle. Plus de la moitié des salariés de l’unité à laquelle il émargeait, était touchée par la compression. Il faisait partie des malchanceux. L’indemnité de départ perçue n’a pas duré trop longtemps. Sans grandes qualifications professionnelles, il a galéré de longs mois à chercher un boulot qu’il ne trouva jamais. De villes en villes, il ère à la recherche du précieux sésame.

Il a fait, quelquefois, de menus travaux pour tenir le coup et échapper à la misère qui pointait le bout de son nez. Fataliste, il pense que c’est écrit, son destin qui a voulu qu’il en soit ainsi. Un jour n’en pouvant plus des regards compatissants de ses voisins, il décide de gagner Alger où, en son for intérieur, il pensait qu’il arriverait à se débrouiller. Il débarque à Gué de Constantine. Il érige dans ce no man’s land, une baraque avec des moyens de fortune et fait venir sa famille. Du travail point, mais la grande misère est là et le poursuit.

La descente aux enfers.

Des enfants à nourrir et à éduquer. Une solution se présente à lui. Il a pesé durant de longues nuits le pour et le contre. Il décide de faire la manche avec femme et ses trois enfants à Alger-Centre. Il ne risque pas dans la grande ville de faire de mauvaises rencontres. Il n’a pas choisi de lieu pour se sédentariser. Depuis cette décision, il a fait presque tous les coins d’Alger.

Ce jour-là, il est assis à l’ombre sur une marche des escaliers de la ruelle qui débouche sur le marché Rédha- Houhou. Il est entouré de sa femme, dans la force de l’âge et de ses trois bambins. Il n’interpelle pas les passants. Il croit cependant en leur générosité. Des passants s’apitoient sur son sort et lui lancent de temps à autre une pièce de monnaie.

Quand il débitait son récit, une partie de sa vie malheureuse, la seule chose qui le préoccupait était de garantir une vie digne à ses enfants. Trois bouts de choux encore insouciants du drame de leurs parents. Ils ont entre 4 et 8 ans. Le plus âgé ne fréquente pas l’école. «Je ne peux pas lui assurer de scolarité», se justifie-t-il. La maman, emmitouflée dans une abaya noire, serre dans ses bras le plus jeune.

Il se débat voulant faire quelques pas pour se dégourdir les jambes. Quant au troisième, il a l’air rêveur. Le regard vide et absent, il contemple le ciel. Tous les trois arborent des tenues défraîchies.

«Ces jours-ci, nous n’avons pas d’eau, leur mère n’a donc pas pu laver leurs vêtements», a argué l’homme qui justifie la présence des trois gamins par le fait qu’avec eux, il a plus de chance de rentrer avec quelques sous le soir à la maison.

Ce jour-là, il n’a pas de euchance. Les gens n’ont pas été généreux. Trois pièces de cinq dinars, seulement, en une heure.

La Journée mondiale de l’enfant ? L’homme esquisse un sourire. Il n’a jamais entendu parler de cette journée. «Est-ce qu’elle va améliorer le sort de mes enfants ?», interroge-t-il. Il décide de lever les voiles pour une destination inconnue, toujours accompagnée de sa femme et de ses trois enfants.

«Je vais là où le destin me mènera», lâche-t-il. Fataliste, il s’en remet à Dieu pour le tirer de ce pétrin. «Pour mes enfants», s’est-il adressé au Tout-Puissant. Puisse Dieu, l’entendre pour ces enfants en cette Journée mondiale qui est la leur.

Par : Sadek Belhocine