Jours heureux d’un Algérien dans une Tunisie en crise présumée

Jours heureux d’un Algérien dans une Tunisie en crise présumée

Comme presque chaque année depuis 1979, Mohammed a passé ses vacances d’été en Tunisie, sur les plages d’Hammamet. Il y a retrouvé les hôtels complets, les stations balnéaires bondées et l’hospitalité. Rien n’avait vraiment changé, à quelques détails près.

Comme d’habitude, Mohammed, un Algérois de 56 ans travaillant dans la communication, a pris le bus, avec son épouse, jusqu’à Annaba puis le taxi vers Hammamet, terminus de son voyage. Comme d’habitude, il a franchi la frontière au niveau du poste de Melloula, avec des douaniers « cool » et des voitures tunisiennes pleines de carburant algérien. Comme d’habitude, il est descendu dans un hôtel 4 étoiles situé dans le quartier d’Hammamet nord.

« L’hôtel affichait complet jusqu’à fin août », confie notre vacancier. Mais, cette année, ses voisins de chambre, ne sont ni Allemands, ni Français. Le récent assassinat politique de Mohamed Brahmi a détourné les Européens de la destination Tunisie. Ils ont été remplacés par des gens du pays, locaux et immigrés, attirés par les généreuses offres promotionnelles proposées par les agences de voyage, explique notre interlocuteur.

Dans l’hôtel, Mohamed a aussi croisé des Russes et des Algériens. Et sur les plages, beaucoup de Libyens venus en famille dans des « voitures flambant neuves », a remarqué notre témoin. « Certaines avait des matricules « Libya » datant de l’après Kadhafi, d’autres avaient toujours les anciennes plaques « Al Jamahiria » mais elles étaient barrées d’un trait noir ».

Les effets des difficultés économiques

Pour la première fois en 30 ans, le couple algérien a été déçu par le service. « Les prestations de l’hôtel se sont un peu dégradées car il y avait moins de personnel que ce que l’on a connu », relève Mohamed. La ville aussi paye les conséquences des restrictions budgétaires. « La saleté s’est installée dans les quartiers populaires et les espaces verts manquent d’entretien » constate-t-il.

Autre signe d’une économie en crise : l’inflation galopante. « On a vu des prix doubler en trois ans », note notre touriste algérien, « comme celui du traditionnel et incontournable sandwich tunisien, le fricassé ». Face à un Etat contraint de couper dans ses moyens et à un pouvoir d’achat grignoté par l’inflation, l’informel a fait son apparition. « Les touristes peuvent désormais s’arrêter sur le bord de la route pour acheter des fruits ou légumes proposés par des vendeurs ambulants stationnés sur la bande d’arrêt d’urgence », raconte Mohamed.

Conversations sur serviettes

Sur les plages, comme dans les cafés d’Hammamet, les discussions tournent surtout autour de la politique intérieure. Avec un sentiment dominant : l’agacement. « Les gens sont dégoûtés », souligne Mohamed. « Ils attendaient des mesures d’urgence pour vivre mieux mais tout est bloqué et ils trouvent que ce jeu politique devient agaçant ». Le jugement des Tunisiens s’exerce aussi sur la situation hors des frontières. Notamment sur son voisin l’Algérie. « Ils trouvent irrespectueux envers le peuple algérien de laisser un président infirme diriger le pays », rapporte notre vacancier.

Après dix jours de baignades et d’échanges algéro-tunisiano-maghrébin, Mohamed et sa femme, ont regagné Alger, reposés et satisfaits. « On était venu par solidarité avec le peuple tunisien et on ne regrette pas », conclut Mohamed. En traversant la frontière, ils ont remarqué une longue file de voitures qui patientait pour rentrer en Tunisie. Comme d’habitude.