Alors que les arrestations des membres présumés du MAK se poursuivent en Algérie, Kamel Daoud publie une chronique incendiaire dans laquelle il combat sur tous les fronts. Daoud met principalement en garde contre les amalgames, mais il fait également la psychanalyse du mouvement séparatiste, de ses sympathisants les plus zélés, mais aussi de ses détracteurs les plus féroces.
D’entrée de jeu, Kamel Daoud donne déjà le ton. Dans sa chronique publiée sur le journal Liberté, il affirme que le régime a déclaré la guerre contre le MAK, il précise toutefois, « qu’un Régime le ferait par calcul », alors « qu’un État le ferait par devoir ».
Kamel qui fait son Daoud
Comme à son habitude, Kamel Daoud tire sur tout le monde. Sur le MAK et ses dirigeants, mais aussi sur les autorités et leur politique “sécuritaire”. Pour le titulaire du prix Goncourt, le plus important dans toute cette histoire c’est d’éviter les amalgames, ce qui est souvent, selon lui, la porte qui mène aux enfers.
Selon Daoud, on ne nait pas séparatiste, on le devient. Il dit que les gens n’adhérent au MAK « car ils sont kabyles », mais à cause de plusieurs facteurs, qui peuvent être personnels, parfois intimes, mais aussi sociaux, ou bien politiques.
Daoud n’a pas hésité a dénombré les raisons qui peuvent mener un Algérien à devenir séparatiste. L’écrivain journaliste s’est lancé dans une véritable psychanalyse, évoquant « les passions » et les « échecs », « les croyances » et « les névroses ».
Suite à cela, mais sans trop s’attarder, Daoud se penche sur le caractère singulier de la Kabylie, et en profite pour incendier ses « courtiers des malheurs », et ses « recruteurs d’amertume », qui veulent faire de la région selon lui, « leur Royaume exclusif ».
Le séparatiste est-il un traitre ?
Daoud ne se pose pas la question, mais il n’hésite pas à y répondre, indirectement. Pour lui, en Algérie, on vit toujours sous « le culte de l’Union sacrée ». C’est notamment à cause de cela que le séparatiste est « la figure du traître par excellence ».
Cela, toujours selon Daoud, est « malsain », voire « dangereux ». Il met notamment en garde contre « les possibles dérives dans la lutte contre ce séparatisme ». Le journaliste à qui le président Tebboune a accordé un entretien en mars dernier, n’a pas hésité à remettre en cause la politique menée par l’État qui mène une répression acharnée contre tout ce qui s’apparente au mouvement séparatiste Kabyle.
Daoud assure dans sa chronique que la peur ne s’installe pas chez les Makistes seulement. Beaucoup en Kabylie, selon lui, « craignent la confusion, le malentendu, l’erreur et sa facture en années de prison ». Ceux ci, selon lui, à un moment ou à un autre, se sont laissé charmés par les sirènes des « réseaux sociaux ».
Selon Daoud, le MAK a pu prendre en otage une amazighité qui s’est retrouvé forcée à choisir entre la peste et le choléra. Il affirme que « dans un pays en proie à une longue déliquescence, c’est alors l’expression du MAK qui a eu l’avantage ».
MAK – FIS : le dangereux parallèle de Daoud
Un mot revient souvent dans la chronique de Daoud. Dérive. Une dérive qui peut ramener selon lui, l’Algérie nouvelle de 2021, à l’Algérie ensanglantée des années 1990. Nous « connaissons notre histoire en Algérie », affirme Kamel Daoud, qui rappelle la lutte contre le terrorisme islamiste.
Selon lui, « les mêmes erreurs » sont commises. Il évoque les « arrestations abusives, sans enquêtes sérieuses » ainsi que les « “regroupement” dans les fameux camps ». Il met en garde et avertit que tout cela a fini par donner naissance à « la grande école des terroristes du milieu des années 1990 ».
Terroriser les jeunes, selon Daoud, revient à les offrir « à ces identitaires que l’exil confortable rend audacieux ». Le journaliste conclu que « sans communication, clarté, rationalité et extrême prudence, la campagne “sécuritaire” contre le MAK va aggraver les confusions et ouvrir droit aux dérives et aux surenchères des interprétations ».
Au séparatisme, Daoud veut opposer la « pluralité »
Daoud s’inquiète, il assure que l’Algérie « n’a pas besoin de rejouer la guerre entre ses enfants encore une fois ». Il indique que le MAK n’était qu’un mouvement minoritaire, et qu’il ne faut pas aggraver la situation « par l’erreur ou le choix “sécuritaire” ». Selon lui, le scenario du MAK peut facilement virer à celui du FIS.
« À un séparatisme possible, affirme Daoud,il est peu productif d’opposer l’unanimisme, mais seulement la pluralité et la prudence ».
Selon Daoud, son point de vue fera sortir de leurs tanières, ceux qui pensent avoir le monopole sur l’Amazighité et la Kabylité, tout comme ceux qui « croyaient qu’Allah et une religion étaient leur propriété ».