Khalifa enfonce la fille de l’ex-P-DG d’Air Algérie

Khalifa enfonce la fille de l’ex-P-DG d’Air Algérie

Le procès de Khalifa Bank s’est poursuivi hier au tribunal criminel de Blida par le défilé à la barre de 9 accusés non détenus. Ces derniers dont Benouis Lynda, la fille de l’ancien patron d’Air Algérie, feu Benouis Tayeb, sont poursuivis pour les délits d’« abus de confiance » et de « dissimulation de biens acquis d’un vol ».

Auditionnés au titre de la quatorzième journée du procès, les accusés qui se sont succédé devant le président du tribunal Antar Menouar ont, à l’unanimité, nié tous les faits qui leur ont été reprochés au cours de l’enquête préliminaire et de l’instruction judiciaire. Ils ont rejeté l’accusation d’avoir gardé « intentionnellement » des biens précédemment acquis auprès de l’ex-milliardaire Abdelmoumene Rafik Khalifa ou via la propriété bancaire de ce dernier, l’ex-Khalifa Bank de Chéraga.

Le premier accusé à être auditionné par le président, est le français Jean-Bernard Phillan au sujet d’un micro portable acquis au titre de sa fonction. Il occupait le poste de directeur de l’exploitation d’Antinéa, une des anciennes compagnies aériennes de Abdelmoumene Khalifa. Se défendant arabe dialectal et se passant ainsi de traducteur, Phillan a soutenu n’avoir « pas eu l’intention » de garder l’appareil informatique en sa possession, affirmant ne l’avoir pas restitué en raison des données de la compagnie qui s’y trouvaient. Cela, d’autant plus que des « piratages » précédents ont eu lieu au sein d’Antinéa au profit de compagnies concurrentielles, a-t-il poursuivi.

« Je suis un Algérien et un fils de l’Algérie »

Il a affirmé au juge Menouar avoir restitué en 2003 le véhicule de service acquis lors de son exercice et ce, dès le début du déclin de l’ex-empire Khalifa, de même que l’ordinateur en question afin d’éviter qu’il ne soit « exploité illégalement », ajoutant avoir saisi par écrit le liquidateur de la caisse principale à deux reprises à ce sujet, en vain. « Je suis un Algérien et un fils de l’Algérie », a-t-il tenu à déclarer, ému, avant de préciser que sa famille a subi les affres de l’Organisation armée secrète (OAS) française durant la guerre de libération nationale.

« Personne ne doute de votre sincérité et vous comparaissez dans ce tribunal au même titre que n’importe quel autre citoyen » a répliqué, rassurant, le juge Menouar. Le président a par ailleurs interrogé l’accusé Rachid Bessehoua pour le même délit à savoir « dissimulation de biens acquis par vol ». Il a été esté en justice à propos d’un véhicule dont il a bénéficié dans le cadre d’un achat groupé de Khalifa Bank, alors qu’il n’avait aucun lien avec celui-ci.

« C’est grâce à mon beau-frère, Badreddine Châachoua qui occupait la fonction de directeur de la communication et du développement technique du groupe Khalifa, que j’ai pu bénéficier des réductions proposées lors de cet achat », a-t-il souligné, ajoutant avoir payé la somme de 200 millions de centimes pour ledit véhicule, inscrit en son propre nom.

Auditionné pour le même chef d’inculpation par le juge d’instruction du tribunal de Chéraga puis confirmé par la chambre d’accusation de la cour de Blida, El-Hadi El-Aggoun a répondu de l’achat d’une villa dont le propriétaire était l’accusé détenu Abdelhafidh Châachoua, chargé alors de la sécurité des fonds au sein du groupe dissous et qu’il a mise en vente dès le début de la liquidation de celui-ci. Sise au « Village des artistes » de Zéralda, la villa a été achetée 700 millions de centimes alors que sa valeur réelle, a relevé le juge, était de 3 milliards de centimes ! « La villa vous a été cédée apparemment à un prix symbolique ! » Le prévenu a par ailleurs nié avoir un lien direct avec le dénommé Abdelhafid Châachoua. Il a soutenu avoir conclu le contrat d’achat du bien avec le père de ce dernier, notant que la transaction a été conclue en « deux jours ».

Le procureur général Mohamed Zerg Erras lui demande alors si cette vente « n’avait pas suscité sa curiosité » eu égard à l’emplacement et au prix de la villa, de même qu’à la célérité avec laquelle elle s’est effectuée. Lui succédant un ex-cadre du ministère de la Poste et de Technologie de la communication était poursuivi pour, outre le délit d’« abus de confiance », de « préjudices » occasionnés à l’ex-banque privée.

Ce à quoi, cet ancien cadre a répliqué avoir perçu des biens « d’accompagnement » de la part des entreprises l’ayant formé pendant son exercice à Kalifa Bank et « non pas par celle-ci ». Le mis en cause a cité, à ce propos, la société française de télécommunications et d’électronique Sagem, avant de soutenir avoir signé en 2001 la décharge de délivrance de six téléphones portables à la Caisse nationale des assurances sociales (CNAS), sur « instruction » de Abdelmoumene Khalifa.

Deux des appareils en question, a relevé le juge Menouar, étaient utilisés par leurs destinataires au nom de Khalifa Bank et non pas en les leurs, ce que confirmera le prévenu qui a ajouté avoir restitué en 2005 au liquidateur de ladite banque, Moncef Batsi, le véhicule de service acquis auprès de celle-ci. L’ancien directeur des Finances et de la Comptabilité à Khalifa Bank de 2001 à 2003, le prévenu Sid-Ahmed Haddadi, s’est défendu d’avoir conservé un téléphone et un ordinateur portables acquis pendant son exercice.

Il a, en revanche, déclaré avoir remis à son ex-employeur, au moment de sa démission, le véhicule de fonction dont il a bénéficié. Le mis en cause a confirmé par écrit au président car il ne pouvait parler, avoir remis les premiers biens en 2004 après l’intervention du liquidateur du groupe, Moncef Batsi. Egalement ancien cadre du ministère de la Poste et des Technologies de la Communication et de l’Information (PTIC), Haddadi a perdu l’usage de la parole à la suite d’un accident vasculaire cérébral (AVC).

« Lynda Benouis n’a pas remboursé les 900 millions »

Le président a en outre auditionné Benouis Lynda, la fille du feu Benouis Tayeb, ancien président-directeur général d’Air Algérie, qui a occupé le poste de directrice de la monnaie, chargée des cartes CIB à la caisse principale de Khalifa Bank.

La mise en cause était poursuivie pour n’avoir pas remboursé le crédit bancaire dont elle a bénéficié et qui était de l’ordre de 900 millions de centimes pour l’acquisition d’un appartement en plein cœur de la capitale, alors que le liquidateur a affirmé que l’intéressée a acheté une villa à Chéraga.

Lors de son audition par le président, elle a tenu a déclaré qu’elle a sollicité un prêt bancaire auprès du directeur de l’agence de Chéraga pour l’achat d’un appartement, car sa mère gravement malade ne pouvait pas monter jusqu’au 9e étage.

Elle a par ailleurs précisé qu’elle s’est ensuite rapprochée de Khalifa Abdelmoumene Rafik qui lui a demandé un délai pour pouvoir prendre la décision dans ce sens. Quelques jours plus tard, elle a été invitée à se présenter à la banque dissoute pour prendre possession de l’argent. A la question de savoir si elle a remboursé la totalité de la somme, elle a répliqué : « J’ai remboursé toute la somme, c’est-à-dire 900 millions de centimes, en trois tranches. J’ai obtenu les sommes de la part d’un parent ».

Dans le même contexte, elle a affirmé au juge qu’elle a restitué l’argent à Khalifa Abdelmoumene en personne ! Suite à quoi, le président a décidé d’une confrontation avec l’ex-golden boy, durant laquelle, Khalifa a clamé haut et fort : « Ce n’est pas vrai monsieur le juge ; elle n’a jamais remis les 900 millions de centimes qu’elle a pris auprès de l’agence de Chéraga ! Je ne lui ai jamais signé une lettre de félicitations ! Nous avons versé ces sommes faramineuses dans le compte courant de la personne qui devait leur vendre l’appartement ! elle ».

Le liquidateur de la caisse principale de Khalifa Bank, selon toujours le juge, a précisé dans son rapport que le trou financier de 900 millions de centimes découvert à l’agence de Chéraga n’a jamais été remboursé ! Les autres accusés ont maintenu leurs premières dépositions faites lors de l’instruction judiciaire. Ils ont été unanimes de nier avoir eu l’intention de garder les biens d’autrui en leur possession, notamment en ce qui concerne les micros portables et des portables cellulaires.

Le président Antar Menouar procédera, à partir d’aujourd’hui, à l’écoute des témoins clés notamment ceux qui étaient concernés directement, à l’image de ceux poursuivis en matière correctionnelle et lesquels ont purgé leurs peines. Il est à rappeler que le début de la semaine prochaine sera sans aucun doute riche en déclarations, car de hauts cadres et fonctionnaires défileront à la barre pour donner leur version des faits.

Par ailleurs l’un des accusés, Laoudj Boualem a été poursuivi pour non-dénonciation de criminels occupait le poste de chargé du service juridique au sein de Khalifa Bank. Il a été reproché au mis en cause de n’avoir pas déposé plainte contre l’ancien directeur de l’agence d’El Harrach Aziz Djamel et de l’ex-directeur de l’agence des Abattoirs d’Hussein Dey.