L’audience de mercredi du procès Khalifa Bank a été consacrée aux interventions des parties civiles, notamment des différents offices promotionnels de gestion immobilière implantés à l’échelle nationale des sociétés relevant de la Sonatrach. La première victime à être entendue par le président est Bennacer, un militaire à la retraite qui a affirmé au juge d’audience avoir vendu son appartement qui se trouvait à Souk Ahras en 2000 et avait l’intention d’acheter un autre à Alger.
C’est pourquoi il s’était rapproché du ministère de la Défense nationale et avait sollicité un prêt bancaire qu’il avait obtenu quelques temps après. Il avait ensuite demandé l’avis d’un ami pour l’ouverture d’un compte et par-delà le dépôt de cette somme à khalifa bank. Trois ans plus tard, je me suis présenté à la caisse pour retirer mon argent mais ma surprise fut grande lorsque le caissier de l’agence de Chéraga m’a déclaré que la banque était en voie de liquidation et que je ne pouvais pas récupérer mon argent ! ».
Il a tenu à préciser que « sur les 162 millions de centimes déposés, la banque Khalifa ne lui a restitué que 62 millions de centimes ». Il a dit au juge d’audience : « Vous savez, monsieur le président, suite à cette affaire j’ai tout perdu, ma maison, mon argent et même ma famille. Je trouve beaucoup de difficultés pour subvenir aux besoins de ma famille ! ».
La deuxième partie civile qui a été entendue lors de la journée d’hier est le représentant de l’OPGI d’Oum El Bouaghi. Il a indiqué au juge « avoir déposé pas moins de 26 milliards de centimes au nom de la société durant la période allant de 2001 à 2002 sur plusieurs étapes au niveau de l’agence de Blida.
Il a tenu à préciser que « la convention relative aux dépôts de fonds a été signée avec Kechad Belaïd », alors directeur de ladite institution bancaire. Le procureur a indiqué que « cette entreprise figure parmi les premières sociétés nationales ayant procédé aux placements des fonds à Khalifa Bank en 2000 ».
10 milliards déposés, 1 milliard récupéré
De son côté, le représentant juridique de la société des Moulins des Bibans de la wilaya de Bordj Bou Arreridj affiliée à la société mère El Riadh Sétif, a affirmé à l’audience que son organisme a déposé pas moins de 10 milliards de centimes à l’agence bancaire de Tadjnet.
Il a déclaré n’avoir récupéré que 5% seulement du montant. 9 milliards de centimes n’ont pas été récupérés à ce jour. Par ailleurs le représentant légal de l’OPGI de Djelfa a précisé que « cette dernière a déposé pas moins de 13 milliards de centimes à l’agence de Blida sans toutefois pouvoir récupérer cette somme faramineuse.
A chaque fois qu’on se présentait, les responsables nous disaient que la banque était en voie de liquidation ! ». La chargée du service du contentieux de l’OPGI de la wilaya d’Ain Témouchent a affirmé au président que son organisme a déposé plus de 15 milliards de centimes le 1 mai 2001 puis 5 milliards de centimes en date du 01 juillet 2002. Elle a expliqué que l’entreprise n’a pu récupérer que 5% des fonds déposés.
Elle a par ailleurs nié le fait que « le PDG de l’entreprise avait accepté de déposer des sommes faramineuses au sein de la banque dissoute contre des pots-de-vin ! » La représentante de la Société nationale de forage a reconnu que son entreprise a déposé le 07 avril 2002 dans l’agence de Hassi Messaoud pas moins de 50 milliards de centimes avec un taux d’intérêt de 10% et avoir récupéré 1 milliard 200 millions de centimes.
« Puis nous avons renouvelé le contrat de dépôt des fonds et ce en date du 26 septembre 2002 ». Le représentant légal de l’office de promotion et de gestion immobilière de la wilaya de Ouargla a souligné que « son organisme a procédé au dépôt de 450 millions de dinars sur plusieurs étapes, notamment 200, 500 puis 100 de millions centimes au niveau de l’agence de Khalifa Bank de Ouargla et qu’elle n’a pu récupérer que 5% auprès du liquidateur ».
Interrogé à propos de la décision des dépôts de sommes faramineuses au sein de cette banque privée, il a répondu : « Le taux d’intérêt octroyé était très intéressant 11% ». Il a par ailleurs indiqué que « les dépôts ont été effectués au niveau des agences de Chéraga sur proposition de Mir Ammar et de Ouargla ». Pour ce qui est de la Société nationale de la boisson algérienne, son représentant légal a déclaré « avoir déposé 180 millions de dinars pour un taux d’intérêt de 10% sans toutefois pouvoir les récupérer ».
L’Entreprise nationale des services aux puits, filiale de la Sonatrach, a placé 50 milliards de centimes pour un délai de six mois renouvelable à l’agence de Hassi Messoud mais elle n’a jamais réussi à les récupérer auprès du groupe Khalifa pour la simple raison que ladite banque était en voie de liquidation ! ». Le représentant juridique de l’OPGI de Sétif a certifié que l’entreprise en question a déposé pas moins de 74 milliards 200 millions de centimes au niveau de la banque Khalifa avec un taux d’intérêt de 12%.
Il a tenu à préciser : qu’ils n’ont à ce jour pas pu récupérer un centime ! Appelé à la barre pour donner sa version sur le préjudice qui lui a été causé suite aux dépôts de fonds dans les différentes agences de Khalifa Bank, Omar Abed, président de l’Association des victimes de Khalifa Abdelmoumene, a dressé un dur réquisitoire contre l’ancien patron du groupe Khalifa en clamant à la direction du juge : « C’est vrai que j’ai récupéré mon argent mais à cause de cette affaire je n’arrive plus à subvenir aux besoins de ma famille ».
« Khalifa est un escroc agréé par l’Etat »
J’ai fait l’objet d’une escroquerie bel et bien maquillée de la part de la banque Khalifa qui a accaparé des sommes faramineuses. »
En marge de son intervention, Abed Omar a déclaré aux journalistes que « Khalifa Abdelmoumene est un escroc agréé par l’Etat ! ». Il n’a pas manqué de pointer un doigt accusateur sur la Banque centrale d’Algérie, affirmant que : « Cette importante institution bancaire et financière est entièrement responsable concernant toutes les transactions frauduleuses et malhonnêtes effectuées par Khalifa Bank. Elle devait agir au moment opportun en gelant toutes les activités du groupe Khalifa ! »
D’après Me Samir Sidi Saïd, le président du tribunal criminel de Blida procédera aujourd’hui à l’audition en qualité de partie civile, du liquidateur de la banque Khalifa, Badsi Moncef, qui devait être entendu au début des témoignages. M. Badsi va sans aucun doute donner une situation partielle de la liquidation de la banque Khalifa étant donné que cette dernière n’est pas encore achevée.
Le liquidateur, estime Me Sidi Said Samir, présentera au tribunal criminel en charge du dossier un état de la banque Khalifa à travers les créances, la gestion hasardeuse des différentes agences et des directions centrales, notamment en ce qui concerne la monétique, la caisse principale et surtout des opérations effectuées par Abdelmoumene Rafik Khalifa. Parmi ces dernières, estime toujours Me Sidi Said Samir, les achats des biens mobiliers et immobiliers par la banque Khalifa à l’étranger.
Il parlera également de toutes les transactions effectuées par le mis en cause en sa qualité de premier responsable du scandale financier ayant secoué le pays. Me Sidi Said Samir affirme que le rôle du liquidateur de la banque Khalifa au début des années 2000 avait pour objectifs, entre autres, de renforcer et consolider en même temps les demandes du procureur général, qui dressera son réquisitoire tant attendu au plus tard samedi prochain c’est-à-dire après-demain.
Il convient de signaler que selon des observateurs qui ont suivi le procès depuis le 4 mai dernier, le préjudice matériel et financier causé au Trésor public, aux entreprises publiques et aux déposants, serait de l’ordre d’un milliard et demi de dollars ! Par ailleurs, le liquidateur, à en croire certaines sources, a affirmé : « pas moins de cinq mille déposants seront indemnisés des préjudices notamment matériels, qui leur ont été occasionnés par Khalifa Bank qui a usé de toutes les manœuvres frauduleuses pour escroquer les gens et institutions publiques et privées à travers des taux d’intérêts trop alléchants ».
En outre, pas moins de 132 parties civiles citées dans l’arrêt de renvoi de la chambre d’accusation de la cour de Blida présenteront des requêtes introductives au président du tribunal pour solliciter des réparations matérielles des préjudices qui leur ont été causés par Khalifa Bank.
50 avocats constitués au profit des parties civiles vont tenter, à travers leurs plaidoiries, de convaincre la composante du tribunal quant à leurs demandes. Ces dernières devront être formulées juste après le réquisitoire du procureur général Zerg El Ras Mohamed attendu samedi.