Les tabous sont brisés et les Algériens osent en parler plus librement. Mais les lois sanctionnant la pédophilie ne sont pas toujours appliquées de façon ferme.
Le kidnapping des enfants est devenu une réalité inquiétante en Algérie. Ces dernières années, ce crime abject prend des proportions dangereuses. Des chiffres effarants sont communiqués régulièrement par les différents services de sécurité.
Au vu des statistiques données par les organismes spécialisés et étalées dans la presse, il s’agit d’un véritable fléau que domine, de façon dramatique, le kidnapping, suivi, dans des proportions inquiétantes, par l’assassinat. Le réseau Nada pour la défense des droits de l’enfant a révélé que les enfants sont en perpétuel danger ! Ils sont des milliers à avoir été victimes de rapt.
« 1.000 à 1.500 » cas signalés chaque année
A titre d’exemple, En 2014, ce sont pas moins de 195 enfants, dont 53 garçons, qui ont été enlevés, alors que durant la période allant de janvier à fin août 2015, 52 autres bambins, dont 39 fillettes, ont été kidnappés et violés par des criminels. Les chiffres donnent froid au dos : de janvier 2014 à fin août 2015, plus de 8 940 enfants ont été victimes de violences, dont plus de 2 400 victimes de sévices sexuels.
Selon les spécialistes « les enlèvements, dont sont victimes les enfants, sont suivis de viol sexuels ». C’est parce que le phénomène de la pédophilie est un tabou chez nous, que les ravisseurs abusent de leurs otages et les libèrent dans la nature, après leur avoir infligé les pires sévices sexuels. La violence qui frappe les enfants ne s’arrête pas seulement au kidnapping. Et pour cause, des enfants ont été enlevés par des voisins et autres membres de la famille pour faire chanter les parents.
La démission parentale, les conflits conjugaux, suivis de divorce sont les facteurs saillants qui ont fait de l’enfant un objet de kidnapping et otage précieux. De tous ces cas avérés, certains sont toujours devant les tribunaux, d’autres déjà jugés, mais des dizaines de cas, n’ont pas été dénoncés, ne sont pas médiatisés, et les pédophiles ne seraient peut-être jamais arrêtés, les parents ou les tuteurs de ces enfants se résignent et vivent le drame dans la souffrance.
Les associations dédiées aux agressions sexuelles contre les enfants ne peuvent, en effet, recenser, dénoncer, se porter partie civile et assister juridiquement et psychologiquement que les cas qu’ils reçoivent. Si la mise en place d’un plan « alerte enlèvement » a été proposée en 2013 par les ministères de l’Intérieur et de la Justice, le professeur Abderrahmane Arrar, président du réseau Nada de protection des droits de l’enfant, reconnaît qu’il n’est « pas opérationnel ».
Il explique : « Il faut un cadre juridique et spécifique. Étant donné qu’il cible tous les acteurs concernés par la protection (police, gendarmerie, justice, famille, associations, médias, citoyen), sa mise en place demande des programmes de formation, d’information, de sensibilisation et d’éducation afin de mieux impliquer la société et protéger les enfants contre toute forme de délinquance et criminalité ». Concrètement, comment sont traitées ces affaires d’enlèvement ? En attendant, la ministre de l’Éducation
Le ministère de l’éducation réagit…
La ministre de l’Éducation nationale, Nouria Benghebrit, s’est dit « atterrée » par ce dilemme. Mme Benghebrit a souligné que l’école « a le devoir de protéger l’élève » et dans ce cadre, a-telle dit, « la tutelle s’emploie actuellement à cibler les établissements dont l’environnement immédiat assiste à des agressions répétées ».
La ministre a ajouté que la liste de ces établissements sera transmise aux services de sécurité spécialisés pour « y renforcer leurs patrouilles ». Le secteur de l’Éducation compte prendre d’autres mesures dont « l’ouverture du dossier de recrutement d’agents de sécurité notamment au niveau des établissements d’enseignement primaire et ce en coordination avec le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales ».
La ministre a souligné la nécessité de renforcer le sens moral dans toutes ses dimensions pour freiner la propagation de la violence en milieu scolaire. Les parents d’élèves accueillent cette nouvelle à bras ouverts, à condition que le recrutement soit à la hauteur de leurs aspirations.
Il vaut mieux prévenir que guérir…
L’éducation et la prévention sont donc nécessaires. Car, en fait, on doit s’interroger : comment protéger un enfant des abus sexuels quand lui-même n’a jamais été éduqué pour connaître ce qu’est la sexualité ? Comment dans ce cas pourrait-il dénoncer son agresseur, ou même soupçonner ses agissements ?
Les prédateurs sexuels sont parmi nous, dans la famille, parmi les amis, les proches… Pour Ahmed El Hamdaoui, psychologue et psychocriminologue, « les agresseurs sexuels font le plus souvent partie du milieu de la victime, dans la majorité des cas ils connaissent l’enfant. L’inceste est fréquent … ».
Et le psy de confirmer que « souvent, l’agresseur possède un pouvoir sur l’enfant et exploite sa confiance dans la famille, le milieu scolaire, un milieu de loisirs… D’ailleurs, le kidnapping d’un enfant par un étranger pour en abuser sexuellement est un cas rare ». Mais le plus grave est le traumatisme psychologique ressenti par la victime et sa famille.
Idir Ammour