Créée dans la foulée de l’extension du noyau urbain de la ville d’Oran entamée par l’administration coloniale au tout début du siècle dernier, El Makarri (ex-Saint-Eugène) était jadis un quartier prospère où il faisait bon vivre.
Peuplé durant la période coloniale de Français issus de la classe moyenne et des Espagnols, ce quartier de la partie haute d’El Bahia, en opposition au bas quartier représenté exclusivement par l’ancien noyau urbain de la ville qu’est Sidi El Houari, Saint-Eugène a vu à partir des premières années de l’indépendance un afflux massif de familles originaires principalement de la région de Mascara, d’où le sobriquet qu’on lui a attribué de quartier des Mascaréens.
Sa position de zone tampon entre le centre-ville et le reste des quartiers populaires de la ville d’Oran a donné lieu à l’émergence d’une multitude de commerces et conféré à ses différentes cités une dynamique et une attractivité certaine, au point d’attirer de nouvelles vagues migratoires que la vacance des immeubles avait fortement favorisée. Cette position a favorisé son érection au rang de secteur urbain qui abrite avec les autres quartiers qui lui sont rattachés, l’une des populations les plus denses de la ville d’Oran.
Cependant, avec le temps, cette zone d’habitation de la capitale de l’Ouest où l’on a recensé au début des années 2000, la plus grande concentration d’immeubles et de bâtisses précaires ou menaçant ruine, semble vivre un début de déclin, voire de clochardisation, au grand dam de ses habitants et plus particulièrement les plus anciens qui n’arrivent toujours pas à s’expliquer pourquoi leur quartier en est arrivé à cette situation.
Et pour cause, El Makarri est à lui seul un condensé de tous les maux auxquels peut être confrontée une zone d’habitation urbaine, celui de la prolifération de la délinquance, le commerce informel et d’autres maux sociaux que ses habitants souhaitent voir disparaître à jamais de leur cadre de vie. Et si l’ex-Saint-Eugène partage avec les autres quartiers certains fléaux comme la prolifération de la délinquance et la violence urbaine, il en est un problème que ces habitants ne cessent de dénoncer ses répercussions négatives sur l’ensemble du quartier.
Où sont les policiers de la 4ème sûreté urbaine ?
Ce fléau, on l’aura deviné, est celui du marché de voitures d’occasion qui ne cesse d’étendre ses tentacules au point de gangrener les quartiers limitrophes comme Les Castors, cité Delmonte et l’Hippodrome. A ce propos, l’un des habitants dont la famille y est établie depuis plus de 50 ans, déclare: «Depuis que les courtiers ont jeté leur dévolu sur notre quartier pour installer ce commerce illégal, nous n’avons eu de cesse d’interpeller les services compétents, la wilaya et la police, mais à notre grand désarroi, rien n’a été entrepris pour éradiquer cette activité nuisible».
Ce citoyen qui dit éprouver un grand chagrin en voyant son quartier se dégrader d’année en année, se dit outré de constater la passivité des policiers, notamment ceux de la 4e sûreté urbaine qui, manifestement, ne semblent afficher aucune volonté à inquiéter les courtiers et leurs clients pour les contraindre à évacuer définitivement les lieux. «Figurez-vous, dit-il, que le long de la rue Abou Darham, le code de la route est piétiné au point où les automobilistes désirant vendre leur véhicule, ou en acquérir un, stationnent le plus souvent en 2e, voire en 3e position, sans que les policiers n’interviennent pour les verbaliser».
Et si ce tronçon routier est depuis des années «privatisé» par les courtiers, la rue Maupas est quant à elle, sous l’emprise des tenants d’une autre forme de commerce, à savoir celui des fruits et légumes, au point d’être appelée par les Oranais rue de la Bastille bis, en référence à cette rue qui abrite, signale-t-on le plus ancien marché à ciel ouvert de la ville. Un autre riverain qui a assisté à la régression progressive de son quartier d’enfance, va plus loin en déclarant: «Ce marché de la honte n’aurait jamais pu voir le jour, si les policiers de la 4e sûreté urbaine avaient fait preuve de fermeté dès que les premiers étals de fortune avaient été installés».
Et notre interlocuteur de revenir au problème du marché de voitures: «Jusqu’à quand allons-nous continuer à protéger les entrées de nos demeures à l’aide de pierres et d’autres objets hétéroclites, dont la seule présence donne une image détestable à notre quartier et à l’ensemble de la ville d’El Bahia ?
Notre interlocuteur se dit d’autre part préoccupé par les nombreuses agressions dont fait l’objet le tramway, plus précisément au niveau de son quartier. Il nous rapporte dans ce contexte une scène des plus insolites à laquelle il avait assisté jeudi dernier. «Avant-hier, poursuit-il, un automobiliste sûrement très renseigné sur l’impunité qui règne à El Makarri, a stationné son véhicule sur les traverses de ce moyen de transport, plus précisément à proximité de la banque CPA, aux environs de 14h, pendant plus de 15 minutes, sans qu’il ne soit nullement inquiété par les policiers. Pourtant, ce commissariat a été installé dans notre quartier pour justement mettre de l’ordre et éradiquer toutes formes d’incivisme», affirme-t-il avec une pointe de dépit et de colère.
B. Salim