Ksentini sur les rapts d’enfants suivis de meurtre : «la peine de mort doit être maintenue»

Ksentini sur les rapts d’enfants suivis de meurtre : «la peine de mort doit être maintenue»

Le Courrier d’Algérie : – En 2012 vous avez déclaré que «  je suis pour l’abolition de la peine de mort sauf dans certains cas, tels les enlèvements d’enfants suivis d’assassinat » qu’en est-il, aujourd’hui, alors que l’Algérie enregistre une multiplication de rapts et de meurtre d’enfants ?

F. K. : – Je suis, par principe, contre la peine de mort et telle est ma conviction et je pense, par ailleurs, que l’abolition de la peine de  mort ne sert strictement à rien. Et compte tenu de la conjoncture que nous vivons actuellement, notamment celle relative à la multiplication des enlèvements d’enfants suivis de leurs assassinats. Et compte tenu, également de la résistance religieuse, parce que dans le Coran, il y a des destitutions relatives à la peine de mort en cas d’homicide volontaire, alors si nous ne pouvons pas abolir la peine de mort dans son ensemble, on peut la faire reculer et la ramener à un seul cas, celui de l’homicide, cela aura pour effet, de satisfaire l’opinion publique et nos concitoyens, qu’il faut respecter, je suis un démocrate et je respecte l’opinion de la majorité. Et là, ils vont accepter ce point de vue, dès lors, que la peine de mort est maintenue pour un homicide, et également pour ceux qui ont la convictions religieuse, comme moi, par exemple, mais peut être plus accentuée, dès lors qu’elle n’est pas totalement supprimée, et qu’elle est maintenue pour l’homicide, l’assassinat volontaire, nous considérons qu’aucune entrave n’a été appliquée à la loi coranique. Et à ce moment là, à mon avis, dès lors qu’on fait régresser la peine de mort, c’est déjà un progrès en attendant, dans le futur plus au moins immédiat que nous puissions aboutir à son abolition définitive. Moi je suis de ceux, qui sont convaincus que la peine de mort ne sert, strictement, à rien, d’autant plus qu’il ne s’agit pas de rendre les assassins en liberté, il y a une peine de substitution, la détention à vie, perpétuelle. Et il y a des acteurs en charge des questions des droits de l’Homme, qui pensent que la perpétuité, c’est encore plus cruelle que la peine de mort, elle –même.

– Que pensez-vous du débat sur la peine de mort, qui revient en force, à chaque disparition d’un enfant ou son kidnapping ?

– Nous sommes dans une situation, un peu particulière, l’Algérie a signé une Convention internationale en 1993, et s’est interdite d’apporter une exécution où décision de justice et en ordonner la peine de mort. Et c’est pour cela que la peine capitale, même si elle continue d’être prononcer par la juridiction, elle n’est pas appliquée, elle ne reçoit pas l’exécution. L’Algérie a engagé sa signature, sur le plan international. Et dans ce cas de figure, Il faudrait que l’Algérie puisse reprendre sa signature, ou bien, lever cette interdiction, ne serait-ce que momentanément, pour pouvoir appliquer la peine de mort, lorsqu’elle est prononcée contre les auteurs d’enlèvements d’enfants. Donc nous sommes dans une situation délicate. Il y a des pays qui avaient signé cette même Convention internationale, paraphée par l’Algérie, et qui ont procédé à la levée provisoirement, la non exécution de la peine de mort, pour pouvoir exécuter un certain nombre de condamnés pour ensuite revenir à l’abolition de la peine capitale. Tout cela est compliqué parce que, la peine de mort, en elle-même, relève du législateur, de l’instance judiciaire, et l’exécution de la peine capitale relève quant à elle de l’exécutif et pas du judicaire. D’où la complication, il s’agit de deux institutions, deux instances qui sont concernées.

– Quelles sont les pistes à explorer pour un meilleur traitement de ce phénomène ?

– C’est un phénomène ahurissant, auquel personne ne s’attendait, je suis ahuri stupéfait, qu’on puisse en Algérie s’attaquer à des enfants pour les assassiner, j’espère que la petite Nihal n’a pas été tuée. Il faut aller davantage dans la prévention, de surveillance et l’éducation, pour que ces crimes odieux cessent. C’est un problème moral, religieux, juridique, philosophique et celui d’une société

– Les sociologues tirent la sonnette d’alarme, sur d’autres raisons à l’origine des maux, nouveaux d’ailleurs, que vit la société algérienne, liées, selon certains parmi eux, aux conséquences de la décennie noire, les traumatismes de la société mal traités ou pas du tout, la perte des valeurs, l’impunité, l’école qui peine à répondre aux exigences de l’éducation, civique et citoyenne, le traitement des traumatismes qu’en pensez-vous ?

– Les auteurs de ces crimes ont, en général, vu le jour, dans les années 90, ils ont ouvert leurs yeux dans la violence, ils ont vécu dans la violence, ils ont souffert de la violence et ils continuent de pratiquer la violence, la culture de la violence s’est répandue dans notre pays, en raison du terrorisme, et là il faut combattre cette culture de violence.

Entretien réalisé par Karima Bennour