Quelque 5,5 millions d’élec-teurs tunisiens vont se rendre aujourd’hui aux urnes pour choisir celui qui présidera, pendant cinq ans, aux destinées de leur pays. Avec le dernier amendement de la loi électorale, le corps électoral s’est agrandi de 480 000 électeurs. Face à ses trois adversaires qui, faut-il le préciser, ne se font pas trop d’illusions, le président Ben Ali l’emportera sans aucun doute et haut la main. Tout le monde, ici, le donne d’ailleurs comme archifavori. Le seul qui fait un peu d’ombre à la domination presque totale de la présente élection est le chef de file du parti communiste Etajdid, Ahmed Ibrahim, qui avant et pendant la campagne, veut jouer d’“égal à égal” avec le candidat Ben Ali, même s’il sait que ses chances de l’emporter sont minimes.
Pour nombre d’observateurs, la seule grande inconnue du scrutin d’aujourd’hui est le taux avec lequel M. Ben Ali sera réélu. Si la première élection pluraliste de l’histoire de la Tunisie – celle de 1999 –, il l’avait remportée avec 99,44%, le président Ben Ali a été réélu en 2004 en s’adjugeant 94,49% des suffrages. Passera-t-il cette fois-ci encore la barre des 90% ? Au vu de l’atmosphère qui règne ici à Tunis, la réponse fuse d’elle-même : oui. Et, pour gagner les faveurs des électeurs tunisiens, il joue la carte du bilan de ses 22 ans de règne à la tête du pays. Au bord de la faillite en 1987, date à laquelle il a évincé le grand militant nationaliste Habib Bourguiba à la santé chancelante, la Tunisie est devenue aujourd’hui un véritable pays émergent que d’aucuns surnomment le dragon de l’Afrique. Durant deux décennies, elle réalise un taux moyen de croissance de 5%. Sur le plan compétitivité économique, le Forum mondial de Davos a classé la Tunisie à la 36e place sur 132 pays et 1re en Afrique et dans le monde arabe.
Autre prouesse, parmi beaucoup d’autres, à mettre à l’actif de Ben Ali : en matière de qualité du système éducatif, la Tunisie a damé le pion à des pays européens comme la France, l’Allemagne l’Espagne, etc. Et ce bilan positif à plus d’un titre, même si certaines parties trouvent à redire sur le plan des droits de l’Homme et de la liberté d’expression, sert de véritable carburant à la machine électorale qu’est le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) fort de plus de 2 millions d’adhérents. Un RCD qui, selon un observateur, est bien parti pour rafler les 75% des 190 sièges en jeu lors des élections législatives qui se tiendront en même temps que la présidentielle. Car, et c’est une particularité du système électoral tunisien, les 25% des sièges restants sont réservés d’office à l’opposition. En tout cas, en plus du RCD, pas moins de 8 partis d’opposition sont entrés en lice. Seul le parti démocratique progressiste (PDP), une formation de gauche a refusé d’y prendre part. Grosso modo, les partis qui prendront part aux législatives vont présenter quelque 165 listes de candidats sans compter bien sûr les 15 listes indépendantes.