Antique cité surplombant la façade maritime de l’actuelle wilaya de Chlef, témoin de civilisations et d’influences multiséculaires, la Casbah de Ténès se meurt en attendant qu’un plan de sauvetage la ressuscite.
Ténès El Hadhar, petit royaume islamique
Cité mythique qui a vu défiler moult civilisations, ville à l’héritage culturel et historique légendaire, mère d’ulémas de renommée avérée tels les frères Abou Ishaq et Abou El Hassan El Tenessi, Ténès El Hadhar tente de résister aux aléas du temps et lutte pour conserver son statut de centre de rayonnement culturel, historique mais surtout de nos jours de pôle touristique.
Surplombant la façade maritime, le site présente les caractéristiques d’une Casbah notamment avec ses ruelles étroites. Sa conception architecturale et sa grande cour lui confèrent l’aspect d’un musée à ciel ouvert et rappelle le petit royaume islamique qu’elle était et qui a longtemps prospéré.
Selon les guide touristiques, le vieux Ténès érigé dans la partie sud de la ville a été construit par les marins andalous en l’an 262 de l’hégire (808 grégorien). Un petit royaume dont les limites s’étendaient de Cherchell, Blida et Médéa à l’est, Tissemsilt au sud et Relizane et Mostaganem en ouest. Une grande rivalité l’opposait avec la dynastie des Banou Ziane de Tlemcen.
Sa Casbah présente de fortes similitudes avec celles d’Alger, Constantine et Tlemcen en tant que prolongement d’un mode architectural, rappelle le président de l’association culturelle et archéologique de Ténès Merouane Zerrouki.
Elle recèle de précieux monuments dont les mosquée Sidi Maiza, deuxième plus vieux lieu de culte du pays (construite en 367 de l’hégire après celle de Sidi Okba), de Sidi Belabbés et de Lala Aziza.
La mosquée de Sidi Maiza a été classée monument historique par l’occupation française en 1905 puis patrimoine universel par l’Unesco en 1935.
La ville est entourée d’une muraille qui comporte des Bordjs (forts) dont le plus important Bordj El Ghoula, et des portes, l’une donnant sur la mer, Bab El Bahr, et quatre autres Bab Errahba, Bab El Khouikha, Bab El Kabla et Bab Ibn Nasseh. Plusieurs de ces repères ont disparu mais leur emplacement est préservé dans la mémoire des Tenessis.
Héritage en danger
Casbah de Ténès, Vieux Ténès ou Ténès El Hadhar, comme il plait à ses habitants de l’appeler, qui recèle des monuments millénaires d’une valeur inestimable en proie à moult dégradations, est en train de tomber en ruines malgré les travaux engagés ces dernières années par les services archéologiques de la wilaya.
Ces actions se sont révélées insuffisantes pour sauver des vestiges porteurs de l’histoire de la ville et les sauvegarder
Le ministre de la culture Azeddine Mihoubi en visite à Chlef en fin d’année écoulée, avait donné son aval pour le financement du plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé de la vieille Medina de Ténès. Le premier responsable du secteur s’était engagé à accélérer la procédure de financement de l’opération de restauration.
Le directeur de la culture Ahmed Mouadaa a indiqué, à l’Agence de presse algérienne (APS), que le plan de sauvegarde s’inscrivait dans le cadre des efforts consentis par l’Etat pour la sauvegarde et la valorisation du patrimoine identitaire et historique.
Il rappellera que plusieurs actions de réhabilitation étaient programmées pour la sauvegarde du patrimoine matériel citant notamment celle concernant la localité de Ténès El Hadhar ( la cité civilisée) sur une superficie de 12 hectares.
Selon lui, le coût de cette opération avoisine les 100 millions de DA. Un budget susceptible de redonner vie à ce legs architectural et culturel. Cette opération a été inscrite au titre des priorités du secteur.
Le chercheur en archéologie et directeur du musée public de Chlef Mahmoud Hasnaoui a pour sa part tiré la sonnette d’alarme face à la situation de quelque 64 bâtisses et 14 autres sites historiques appelant à une intervention d’urgence.
Plusieurs vestiges menacent de s’effondrer, a-t-il averti citant l’exemple du légendaire Bordj El Ghoula (le fort de l’ogresse) dont il ne subsiste plus que des ruines insignifiantes.
Pour cet expert il ne sert en effet à rien d’intervenir à posteriori d’une catastrophe, raison pour laquelle il souligne l’impératif de publier dans les meilleurs délais le plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé de Ténès El Hadhar au journal officiel.
Les populations de Ténès El Hadhar lancent un appel de détresse
Plusieurs habitations de la ville menacent de tomber en ruine au grand dam de leurs occupants dont le calvaire est d’autant plus exacerbé que, le site étant classé patrimoine sauvegardé, toute entreprise de consolidation est subordonnée à une autorisation de la direction de la culture. Cette dernière a pieds et poings liés tant que le plan de sauvegarde n’est pas publié au journal officiel.
Pour le président du comité de quartier, Maamar Aiouaz, rapporte encore l’APS, le danger qui pèse sur le vieille cité est imminent notamment en période d’intempéries où le pire est à envisager.
Les riverains passent leurs nuits en dehors de leurs habitations, souvent dans des écoles primaires, de crainte de les voir s’effondrer, a-t-il fait remarquer appelant de tous ses voeux les autorités à intervenir rapidement.
La suspension de l’opération de restauration des bâtisses depuis 2007 a porté un coup dur au patrimoine de Ténès, regrette Mohamed Benhami dont la demeure date de 5 siècles.
Le président de l’association El Athar Castellum Tangitanum, Cherifi Ahmed, a estimé que le plan de mise en valeur du secteur sauvegardé était un acquis en faveur de la cité appelant les citoyens à patienter et à respecter la procédure pour mieux préserver les sites historiques.
Ténès El Hadhar gagnerait à bénéficier d’une intervention rapide qui y fera relancer le tourisme, soutient pour sa part Merouane Sefta guide touristique qui lui aussi déplore l’état de dégradation totale dans lequel se retrouve se site qui accueille des visiteurs du monde entier.