La CIA reconnaît avoir orchestré le coup d’État de 1953 en Iran

La CIA reconnaît avoir orchestré le coup d’État de 1953 en Iran

Soixante ans après le coup d’État qui a vu le départ du Premier ministre démocratiquement élu Mohammmad Mossadegh, des documents attestent du rôle de premier plan joué par la CIA dans les événements.

Il y a 60 ans jour pour jour, le 19 août 1953, le Premier ministre de la République d’Iran, Mohammad Mossadegh, était renversé par un coup d’État soutenu par les États-Unis et la Grande-Bretagne. Le shah d’Iran faisait alors son grand retour, mettant en place un régime autocratique avec l’appui de Washington. L’anti-américanisme était alors monté progressivement jusqu’au renversement du shah au printemps 1979 et à la mise à sac de l’ambassade américaine à Téhéran la même année.

Secret de Polichinelle

Des anciens agents de la CIA et des services secrets britanniques ont déjà rapporté l’implication américaine dans les événements de 1953 dans plusieurs livres et articles. Des universitaires ont également publié de nombreux ouvrages sur le sujet. En outre, deux présidents américains en exercice, Bill Clinton et Barack Obama, ont reconnu publiquement que les États-Unis avaient joué un rôle dans l’opération qui a abouti au départ du Premier ministre démocratiquement élu.

Mais ce lundi 19 août 2013, la National Security Archive, une association à but non-lucratif basée à l’université George Washington, a publié « The Battle for Iran » (« La bataille pour l’Iran »), un document jusque-là classifié qui est la première reconnaissance formelle de la part de la CIA que l’agence a aidé à préparer et réaliser le coup d’État de 1953 en Iran. On y apprend que « le coup d’État qui a renversé Mossadegh […] a été réalisé sous la direction de la CIA en tant qu’acte de politique étrangère des États-Unis ». Le risque de laisser l’Iran « ouvert à une agression soviétique » a « contraint les États-Unis […] à planifier et exécuter TPAJAX ». TPAJAX était le nom de code de l’opération, qui s’appuyait sur des collaborateurs locaux à chaque étape : le but était d’utiliser la propagande pour miner politiquement le Premier ministre jusqu’à ce qu’il y ait des manifestations monstres contre le pouvoir.

Encore beaucoup de secrets

Le document qui relate ces événements est une note interne rédigée au milieu des années 1970 par un historien interne de la CIA. Il avait déjà été rendu public une première fois en 1981 mais le chapitre 3, intitulé « Covert action » (« Action secrète »), était alors resté classifié. En 2011, Malcolm Byrne, directeur adjoint de la National Security Archive, a pu obtenir les trois pages jusque-là manquantes en s’appuyant sur le « Freedom of Information Act », la loi sur la liberté de l’information.

« Ma demande initiale date de 2000, il m’a donc fallu 11 ans pour en arriver là », explique le chercheur dans un e-mail à FRANCE 24. « J’espérais avoir un tableau complet vu qu’il y a encore tant de secrets, mais ces choses-là prennent parfois beaucoup de temps. J’ai décidé de ne pas attendre plus longtemps », ajoute-t-il pour expliquer la publication des documents deux ans après qu’ils lui soient parvenus. Mais « personne d’autre n’a reçu ou publié cette version de ‘La bataille pour l’Iran’ avant. Donc, oui, c’est nouveau pour le public », conclut-il alors qu’il espère encore recevoir d’autres notes de la CIA, notamment celle intitulée « Zendebad, Shah! », qui date de 1988 et traite aussi du renversement de Mohammad Mossadegh et dont les passages les plus intéressants pour les historiens sont encore expurgés.