La communauté musulmane de France a aujourd’hui son mot à dire en France

La communauté musulmane de France a aujourd’hui son mot à dire en France

PARIS- La communauté musulmane de France a aujourd’hui son mot à dire sur l’échiquier national parce qu’elle est devenue une réalité en France, a affirmé mercredi le président du Conseil français du culte musulman (CFCM), Ahmet Ogras.

« Nous avons notre mot à dire et nous pesons aujourd’hui sur l’échiquier national français, nous sommes une réalité », a-t-il expliqué dans un entretien à l’APS, soulignant que les musulmans de France sont impliqués dans la société « en leur qualité de Français avec leur particularité religieuse ».

Ahmet Ogras, qui se dit fier de son origine turque et sa double culture, a ajouté que cette communauté, forte de 10 millions de personnes, est « sous-estimée », mais la nouvelle génération, « très impliquée » dans la société, fonctionne « avec des logiciels français », chose qui n’était pas évidente pour leurs parents ou leurs grands-parents qui ont beaucoup donné à la France.

« Quand il y a une discrimination, du racisme, de l’injustice, la nouvelle génération veut savoir et avoir des résultats. Elle ne veut plus faire la petite tête, elle veut avoir la tête haute et faire valoir sa dignité », a-t-il dit, rappelant que ses parents et grands-parents « avaient contribué à défendre la France (les deux Guerres mondiales). Ils ont construit les métros, les ponts, les TGV, etc. ».

« Ce qui était importait pour eux c’était de travailler pour faire grandir leurs enfants et les éduquer. Ils n’ont pas pensé à faire de la politique ou de lobbyisme, mais ils ont construit la France d’aujourd’hui et on se sert des infrastructures de base grâce à eux », a-t-il voulu le rappeler.

Le président du CFCM se vantent également que les musulmans de France, riches par leur diversité, se trouvent aujourd’hui partout dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de la recherche, de l’économie, du commerce, de la culture et du sports, a toutefois déploré leur « désorganisation ».

« Nous avons beaucoup de médecins, beaucoup de chefs d’entreprise qui ont réussi en France et qui  rayonnent l’image de la France à l’extérieur. Il y a beaucoup d’académiciens et d’intellectuels musulmans qui réussissent.

Mais notre grand défaut est le fait que nous restons désorganisés », a-t-il expliqué, soutenant que ce maillon faible sert les intérêts de « lobbyistes » qui cultivent l’islamophobie en France.

== Des lobbyistes cultivent l’islamophobie ==

« Nous sommes confrontés aux mêmes réflexes qui existaient auparavant contre la religion musulmane, simplement, ils sont mieux habillés, subtiles et bien travaillés », a-t-il souligné, relevant le rôle « négatif » de la presse française lorsqu’elle ne relaye que les « choses qui fâchent » les Français, notamment en ce qui concerne les Musulmans.

« Aujourd’hui, la presse française ne s’intéresse généralement qu’aux mauvaises choses, aux aspects négatifs. Il n’y a plus en France de presse intellectuelle, de débats. Pour elle, tout ce qui fâche est consommable par l’opinion et l’Islam devient un sujet qui ajoute à la crispation des Français », a-t-il expliqué, notant que la conjoncture mondiale actuelle et la montée du terrorisme « lui offre cette opportunité de montrer les aspects négatifs vis-à-vis de ma communauté musulmane ».

Il a notamment relevé que, dans le paysage médiatique, « il y a une presse spécialisée qui, par essence, est antimusulmane, verse dans l’islamophobie intellectuelle, philosophique et qui est, pour moi, plus dangereuse dans la mesure où même, dans un pays de liberté d’expression, la parole n’est pas donnée aux musulmans français pour s’exprimer et se défendre ».

C’est dans ce sens qu’il a cité le rapport de l’Institut Montaigne sur l’Islam, élaboré par Hakim Karaoui, qui, selon lui, est un document « commandé » par des lobbyistes.

« C’est un rapport qui s’inscrit dans la déconstruction de la réalité de l’Islam en France. C’est un travail de lobby négatif », a-t-il considéré.

Concernant la lutte contre l’islamophobie, le président de CFCM a rendu hommage à l’Observatoire national contre l’islamophobie, dirigé par Abdallah Zekri, qui active « sans moyens et ni ressources », affirmant que vu l’importance des enjeux, « c’est une structure qu’il faudra la renforcer ».

== Il faut se donner les moyens pour organiser la communauté musulmane de France ==

Au sujet du problème de la représentativité de la communauté musulmane de France, le président du CFCM a indiqué qu’il faut se donner les moyens « pour être à l’écoute de notre communauté et travailler dans le sens de plus de représentation, de rapport et de communication ».

Il faut rappeler que le CFCM s’occupe de la gestion du culte mais il n’est pas représentatif des Musulmans de France.

Comme les autres instances représentatives de communautés en France, il préconise la création d’une représentation des Musulmans de France « mais il faudra toujours éviter d’être instrumentalisé », a-t-il averti.

Pour lui, la création de cette structure revient aux grandes fédérations.

« C’est à elles de s’ouvrir aux membres de la communauté et de créer cette instance. Elle ne peut se faire qu’avec la légitimité et l’expérience de ces fédérations, parce que d’abord elles sont sur le terrain », a-t-il expliqué.

Concernant le CFCM, Ahmet Ogras a défendu l’idée d’un travail à la base pour réussir toute réforme, invitant les Musulmans de France à « s’impliquer et à participer au niveau local et d’adhérer aux mosquées ». Il a appelé, dans ce même contexte, les fédérations, membres fondatrices du CFCM, de « se réformer en interne ».

« Il faut qu’on prenne nos responsabilités, qu’on arrête de répondre à l’urgence dans la gestion, le financement et la formation. Il faut arrêter notre propre agenda », a-t-il affirmé, se disant « très favorable » à la participation de la femme, « clé du futur », dans la vie musulmane en France.

« La place de la femme chez nous est essentielle. Je suis contre les quotas. Il ne faut pas que la femme soit un outil visuel. Je suis pour la création du poste de vice-présidente au sein du CFCM qui sera pourvu que s’il y a une candidate, dans le cas contraire nous ne sommes pas obligés de mettre une femme à ce poste par décision », a-t-il soutenu.