La corruption s’est répandue durant son règne : Bouteflika répondra-t-il de sa responsabilité politique ?

La corruption s’est répandue durant son règne : Bouteflika répondra-t-il de sa responsabilité politique ?

Directement ou indirectement, l’ex-chef de l’État est responsable de la propagation de la corruption qui,  durant son long règne, a atteint des proportions alarmantes.

C’est bien connu : un escalier se balaie en commençant par le haut. En Algérie, les autorités qui gèrent le pays depuis la démission forcée de l’ex-chef de l’État, Abdelaziz Bouteflika, ont inversé l’équation, et plutôt que de commencer par demander des comptes aux vrais détenteurs de la décision politique, l’on a préféré traîner devant les tribunaux, de seconds couteaux ayant profité du système Bouteflika (Haddad, Kouninef) pour, supputent certains, calmer la rue qui demande des têtes.

Il est vrai que samedi 4 mai, de gros poissons sont tombés dans les filets de la justice avec l’arrestation spectaculaire de trois piliers du bouteflikisme : le mythique et énigmatique général de corps d’armée, Mohamed Mediène, qui a régné un quart de siècle à la tête des services algériens avant d’être congédié en 2015, son successeur Athmane Tartag et Saïd Bouteflika, frère et conseiller de l’ancien chef de l’État. Aucun Algérien n’aurait, il y a peu, parié  un dinar que des personnalités d’un tel rang seraient un jour des clients de la justice. Entre-temps, toujours grâce à la pression populaire, l’ancien Premier ministre, Ahmed Ouyahia, a été, lui aussi, entendu le 30 avril par le parquet d’Alger dans des dossiers de “dilapidation de fonds publics”.

Certes, eu égard aux postes importants qu’elles ont eu à occuper durant le règne de Bouteflika, ces personnalités politiques et militaires ont une responsabilité dans l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui le pays et, du coup, sont comptables de leurs actes et gestion. Question : celui qui les a nommés n’est-il pas, lui aussi, comptable des griefs qui sont retenus contre eux ? Sans aucun doute. Car, dans des pays où la morale politique n’est pas un vain mot, des hauts responsables n’hésitent pas à démissionner dès qu’une carence quelconque se fait jour dans leur secteur.

Aussi, directement ou indirectement, l’ex-chef de l’État, Abdelaziz Bouteflika, est responsable de la propagation du phénomène de la corruption qui, durant son long règne, a atteint des proportions alarmantes, mais aussi de la gestion des affaires publiques par ses ministres et ses Premiers ministres. À plus forte raison qu’il a concentré entre ses mains tous les pouvoirs décisionnels réduisant les membres du gouvernement et autres responsables à de simples exécutants, voire de figurants. Aussi, l’on se demande pourquoi Bouteflika n’est pas, à ce jour, convoqué par la justice pour rendre des comptes ? D’où, le peu de crédit accordé par la rue algérienne, les internautes, mais aussi beaucoup d’hommes politiques à cette opération anti-corruption menée tambour battant par les nouvelles autorités. “Je pense que ce sera sérieux le jour où Abdelaziz Bouteflika sera déféré devant le tribunal comme accusé et Gaïd au minimum en tant que témoin”, a écrit, à juste titre, le président du RCD, Mohcine Belabbas.

Pourtant, sous d’autres cieux, des chefs d’État, après avoir été chassés du pouvoir par la rue, se sont fait traîner devant les tribunaux pour répondre de leurs errements passés. Il y a 4 jours seulement, le procureur général du Soudan, Al-Walid Sayyed Ahmed, a ordonné l’interrogatoire du président déchu Omar Al-Bachir qui a été même jeté en prison au lendemain de son éviction par l’armée soudanaise. Toujours dans le monde arabe, en août 2011, au plus fort du Printemps arabe, l’ancien président égyptien, Hosni Moubarak, a été traduit devant la justice couché sur une civière pour répondre de plusieurs chefs d’inculpation comme “abus de pouvoir et de biens sociaux”, ou encore “atteinte aux intérêts de l’État” avant d’être condamné à perpétuité en juin 2012. Qu’est-ce qui empêche la justice algérienne de faire de même avec l’ex-Président ? Mystère.

Arab Chih