Les responsables financiers et les économistes des pays du Maghreb, dont les économies sont étroitement liées à celles de l’Union Européenne (UE), se sont exprimés notamment sur les avantages et les inconvénients que représente la crise financière qui frappe la zone euro, ainsi que sur la baisse du taux de change de la monnaie unique face au dollar américain.
En effet, et selon le magazine Arabies après avoir procédé à des évaluations mitigées, les experts financiers du Maghreb ont indiqué que si les économistes du Machrek ont reconnu, dès le début de l’année 2010, que les États du Moyen-Orient seraient touchés par la crise des dettes de la Grèce, c’est dû au fait que les prix du pétrole et les taux de change de leurs monnaies sont, dans leur majorité, liés au dollar.
Cependant, il a été souligné que ces dernières varient notamment entre une faiblesse durable de l’euro profitable à l’Algérie ainsi qu’une éventuelle absorption par le Maroc des effets négatifs, et des mesures prudentielles prises par le gouvernement tunisien qui devraient surmonter les répercussions attendues.
Economiquement parlant, les fluctuations des marchés financiers internationaux, d’après les experts, pourraient restreindre les améliorations attendues et rendre ainsi les gouvernements plus réticents à l’égard des dépenses internes.
D’autre part, les analystes financiers des banques d’affaires ont exprimé leurs craintes quant à la contagion européenne aux partenaires maghrébins qui ne doivent être en aucun cas sousestimées, vu le degré d’endettement par rapport au PIB de la plupart des États arabes, à l’exception de Dubaï et le Liban, qui demeurent à des niveaux logiques. Malgré que certains États ont déjà anticipé et mis en place des plans d’austérité, la crise financière européenne reste un problème assez complexe pour les pays maghrébins, du moins dans les prochains mois.
C’est pourquoi il est nécessaire de bien contrôler la manière avec laquelle est gérée la finance publique des pays maghrébins partenaires de l’UE. Par ailleurs, ils ont tenu à préciser que la chute de l’euro, qui en représente environ 54 % de la totalité, a des retombées positives, à court terme, sur l’économie algérienne et sur les échanges commerciaux, bien qu’il faut attendre trois mois avant de mesurer son impact sur l’économie algérienne.
L’Algérie est un exportateur des hydrocarbures vers les zones euro et dollar et importateur de biens et services depuis l’Europe qui a absorbé près du tiers des exportations algériennes qui sont indexées au dollar.
Sur ce, ils ont indiqué qu’en termes de balance commerciale et sous réserve des élasticités de prix, le résultat est mécaniquement favorable à l’Algérie. En revanche, le renforcement du dollar sera bénéfique à l’économie et à la finance de l’Algérie, dès lors qu’il viendra consolider les réserves en devises qui sont estimées actuellement à un peu plus de 160 milliards de dollars.
Ces réserves devraient ainsi conforter les politiques de la Banque centrale algérienne. De plus, il y a lieu de tenir compte du fait qu’une grande partie de ces réserves est placée en bons du Trésor américain.
Pour sa part, le ministre des Finances, M. Karim Djoudi, a déclaré que la faiblesse de l’euro était un avantage pour le commerce extérieur algérien vu l’augmentation du prix du baril calculé en dollars, soit une moyenne de 56% en euros pour les importations et 95% en dollars pour les exportations.
A ce propos, il est à rappeler que les produits importés seront moins chers, mais il n’est pas sûr que les importateurs, les commerçants et les opérateurs économiques, notamment les barons de l’informel, répercutent cette baisse sur le marché local. En effet, ils ont indiqué que les Algériens ne ressentent aucun changement significatif sur les prix à la consommation en provenance de la zone.
En outre, ils ont signalé un autre inconvénient, qui est le manque de transparence puisque seules les entreprises publiques peuvent répercuter la baisse des prix des produits importés, ce qu’elles n’ont pas fait jusqu’à présent. Sur ce, ils ont ajouté qu’elles justifient cela par les contrats d’importation à termes signés en début d’année. Selon le gouverneur de la Banque d’Algérie, M. Mohamed Laksasi, la règle du jeu inhérente au marché n’est pas respectée.
A cet effet, il a déclaré que si la Banque centrale prend en considération les variations des taux de change de l’euro et du dollar, les acteurs du marché parallèle de devises campent sur leur position, perturbant ainsi le moindre changement, même s’il est favorable à l’économie algérienne. En parallèle, la monnaie du pétrole est aujourd’hui un débat d’actualité chez les experts financiers et pétroliers algériens vu que le prix du baril a chuté à 71 dollars.
Pour certains économistes algériens, c’est le moment opportun de prendre les initiatives et d’investir de façon intelligente, et que l’État devrait s’orienter vers l’acquisition de parts dans les grandes entreprises européennes et les mettre en synergie avec le développement industriel des entreprises algériennes. L’autre avantage significatif est l’accord de partenariat avec l’UE qui s’est déroulé le 15 juin dernier où l’Algérie a tiré le maximum de la situation de l’UE pour rectifier les erreurs du passé.
En effet, le ministre des Affaires étrangères, M. Mourad Medelci, a révélé à Arabies, lors de son passage à Paris, qu’en ouvrant son marché aux entreprises européennes l’Algérie importe 20 dollars contre un dollar exporté vers l’UE et que « nos importations ont augmenté de 80 %, passant de 11,2 milliards de dollars, en 2005, à 22,6 milliards, en 2009 », a-t-il souligné.
Quant aux investissements promis par les Européens, ils n’ont pas été au rendez-vous, sauf au niveau des hydrocarbures. Ce dont Alger n’a évidemment pas besoin pour développer ses exportations hors hydrocarbures. Ce qui a permis, selon les experts, de rectifier le tir en imposant aux interlocuteurs de l’Algérie de nouvelles conditions.
F. B.