Au marché, il y a des fruits et des légumes pour les bourses bien remplies, qui sont de bonne qualité, et il y a des fruits et légumes pour les désargentés, qui sont de moindre qualité, évidemment.
Il en est de même en culture et animation artistique. Concerts, spectacles et autres manifestations culturelles ne sont pas à la portée de tous.
Des quartiers, voire des régions entières, sont exclus du monde culturel pour différentes raisons dont les principales sont la cherté des billets d’accès ou tout simplement l’inexistence de structures culturelles pouvant accueillir spectacles et concerts.
En effet, 47 ans après l’indépendance du pays, il y a encore de petites villes et de gros villages qui n’ont pas le moindre espace culturel, pas de théâtre, pas de cinéma, pas la moindre salle de spectacle.
Pis, on trouve dans certaines agglomérations des salles de cinéma, voire de petits théâtres, hérités du colonisateur, mais que les actuels gestionnaires de la commune ont fermés parce qu’ils ne savent plus trop quoi en faire ou qu’ils ont transformés en dépôts de marchandises, marchés, habitations…
Dans d’autres localités, des maisons des jeunes et/ou de culture sont tout bonnement fermées, pour cause de manque de matériels, de formateurs ou parce que le gardien, qui fait la pluie et le beau temps, a décidé de fermer la porte à tous ceux dont la tête ne lui revient pas…
On a vu des tournées artistiques contourner des villes parce qu’elles n’avaient pas de structures d’accueil.
Dans les villes bien équipées, relativement, en infrastructures culturelles, le problème se pose en termes de cherté de l’accès aux spectacles ou l’impossibilité de rallier l’endroit où ils se déroulent pour cause d’absence de moyens de transport.
Cette situation est bien illustrée au cours du mois de Ramadhan durant lequel institutions, structures, directions et autres opérateurs privés s’activent pour animer des scènes un peu partout.
Mais ces scènes ne sont pas pour tous. De nombreux citoyens, familles et jeunes, essentiellement, en sont exclus, de fait, parce qu’ils n’ont pas les moyens de se déplacer jusqu’à la salle ou de payer les billets d’entrée.
Abandonnés à leur sort, ces habitants des «no culture lands» comme les a si justement qualifiés un journaliste, inventent leurs propres distractions et la scène culturelle à leur mesure.
On les appelle mahchacha, qaada, gouçra, selon la région, et ce sont des rendez-vous de copains et d’enfants du quartier autour de quelques potes musiciens (ou une hi-fi), du thé, des gâteaux et des jeux de cartes ou de dominos.
On passe de bons moments à écouter de la musique et à taper le carton, sans trop penser à son sort, sauf si d’aventure un journaliste venait poser ses questions sur l’animation artistique dans ce quartier populaire oublié de la culture.
Et c’est là tout le défi de la socialisation de la culture qui est la responsabilité du maire, du chef de daïra, du wali et de nombreux autres ministres.
C’est à l’Etat de prendre en charge la culture pour qu’elle soit à la portée de tous.
Hassan Gherab