Il n’en démord pas. Il reste convaincu que son client a fait l’objet d’un complot ourdi qui a d’abord débuté à l’intérieur du groupe. Nassreddine Lezzar a tenté aujourd’hui de faire admettre aux membres de la commission bancaire de l’époque que le groupe Khalifa pouvait être sauvé et qu’il en a été sciemment empêché par les décisions hâtives que cette structure de la Banque d’Algérie a prises.
Le défenseur de Abdelmoumène Khalifa a fait dans le détail pour démontrer que la recapitalisation de Khalifa Bank était possible pour peu qu’il en ait eu la possibilité, comme il l’avait proposé, à savoir vendre Khalifa Airways. Le rapporteur de la commission bancaire lui a expliqué que les actionnaires du groupe Khalifa ont été saisi à plusieurs reprises, mais n’ont pas jugé utile de répondre aux mises en garde. « La recapitalisation aurait été possible à condition que les actionnaires ramènent de l’argent frais, et qu’il ne soit pas le produit de blanchiment d’argent », en allusion aux transferts illégaux de et vers l’étranger.
M. Maâchou Ben Omar a expliqué que la banque aurait pu régulariser sa situation. Même l’intervention de l’Etat était possible à travers la solidarité de la place financière, mais il se trouve que Khalifa Bank avait des contentieux, y compris avec les banques publiques. « Dès lors, l’on voit mal une banque soutenir l’institution de Moumène en sachant que les prêts qu’elle lui accorderait ne seront pas remboursés. Il fallait absolument assainir la situation. Et les actionnaires n’avaient pas l’intention de le faire. » Cet ex-magistrat ayant officié à la Cour de Blida avant d’être muté dans une chambre administrative au niveau de la Cour suprême a précisé que le groupe et particulièrement la banque a eu toutes les chances d’être sauvée à condition de se soumettre à la loi et rien qu’à la loi.
Me Lezzar reviendra à la charge en remettant en cause la célérité avec laquelle la décision de retrait de l’agrément a été prise. « N’eut était-il pas possible de reporter l’audience pour permettre à Abdelmoumène d’y assister puisque vous avez refusé Me Berghel sous prétexte qu’il n’avait pas mandat pour le défendre ? », interroge-t-il. Ce à quoi M. Maâchou répondra qu’à partir du moment où nous avions refusé l’avocat sur le plan de la forme, on ne pouvait pas aller plus loin. Toutefois, ajoute-t-il, nous avons notifié aux actionnaires, dont seul Guellimi Omar et le frère de Khalifa étaient présents, les griefs et leur avons donné l’occasion de se défendre, ne serait-ce que par la production d’une pièce contradictoire, Il n’en a été rien. Après la décision de retrait de l’agrément, nous les avons informés qu’ils pouvaient interjeter appel auprès du Conseil d’Etat. Ce qu’ils ont fait mais le pourvoi a été rejeté.
L’avocat de Khalifa demandera pourquoi avoir nommé un administrateur et engagé en parallèle une procédure de retrait d’agrément. « N’était-ce pas là une volonté délibérée d’en finir avec le groupe ?» L’ex-membre de la commission bancaire aujourd’hui en retraite dira que ce n’était pas le cas. Et par rapport aux actifs de Khalifa Airways, il fallait savoir que les créanciers, sachant le groupe en difficulté, ont commencé à réclamer leurs avions. Une occasion inouïe pour Me Lezzar de rebondir : « comment voulez-vous que Khalifa Bank soit recapitalisée et sauvée alors que les comptes de la compagnie aérienne ont été bloqués par le tribunal d’El-Harrach et un liquidateur a été désigné ? »
Le tribunal criminel a poursuivi l’audition du reste des membres de la commission bancaire avant d’appeler l’expert financier Foufa Hamid chargé entre autres d’annoncer le préjudice causé par cette affaire. Mais auparavant il a entendu l’ex-secrétaire général du ministère des Finances pour lui demander ce qu’il était advenu du rapport envoyé par Ali Touati (directeur des changes à la Banque d’Algérie) au ministère. Abdelkrim Lakhal reconnaîtra qu’il avait lui-même transmis au ministre. Medelci n’avait pas jugé utile de l’examiner en profondeur jugeant qu’il ne contenait que des généralités et il l’a mis sous le coude. Ce qu’il avait d’ailleurs reconnu en 2007, allant jusqu’à dire au tribunal criminel «si j’étais intelligent ou, disons plutôt, un peu plus intelligent, j’aurai réagi de façon extrême mais l’être n’est malheureusement pas parfait» et d’ajouter : « en fait je n’ai pas été assez intelligent ». Une déclaration qui continue à lui coller malheureusement.
Faouzia Ababsa