Selon ce juriste, Bensalah n’est pas un président mais juste un chef de l’État qui n’a donc pas la prérogative de nomination.
Un nouveau wali, en la personne de Mahmoud Djemaâ, a été nommé jeudi dernier à la tête de la wilaya de Tizi Ouzou, en remplacement d’Abdelhakim Chater, qui a été nommé, deux jours auparavant, chef de cabinet du Premier ministre, Noureddine Bedoui, qui fait partie des “trois B” dont le peuple réclame le départ.
Cette nomination aurait pu passer inaperçue, sinon paraître des plus normales, n’était le contexte politique actuel qui fait d’elle une sérieuse problématique en raison de la confusion, la contradiction, l’interrogation et la colère qu’elle suscite dans la région. Qu’en est-il donc au juste de cette nomination qui intervient quelques jours seulement après la nomination de Bensalah pour assurer l’intérim de Bouteflika qui venait d’être délogé par le chef de l’état-major de l’armée, Ahmed Gaïd Salah.
Selon le spécialiste en droit, Me Hakim Saheb, “la nomination du nouveau wali de Tizi Ouzou est faite en violation de la Constitution car le chef de l’État n’a pas le droit de procéder à des nominations”. “D’un point de vue purement juridique, les nominations ne relèvent pas des prérogatives du chef de l’État mais des prérogatives exclusives du président de la République. En tant que chef de l’État, Bensalah n’a le droit que de gérer les affaires courantes de l’État, en revanche il n’a le droit de nommer ni un wali, ni un ambassadeur et encore moins un ministre”, a expliqué Me Saheb tout en se référant à l’article 104 de la Constitution qui stipule, a-t-il rappelé, que le gouvernement en fonction, au moment de l’empêchement, du décès ou de démission du Président, ne peut être démis ou remanié jusqu’à l’entrée en fonction du nouveau président. Et là, insiste Me Saheb, Bensalah n’est pas Président, mais juste chef de l’État, il n’a donc pas la prérogative des nominations.
Notre interlocuteur insiste également sur l’alinéa 4 de l’article 104 qui stipule, a-t-il évoqué, que pendant la période de vacance du pouvoir, les dispositions des articles 105, 106, 107, 108, 109 et 111, que certains tentent de mettre en avant, ne peuvent être mises en œuvre qu’avec l’approbation du Parlement siégeant en Chambres réunies. Pour Me Saheb, il s’agit là d’une “usurpation de fonction” qui témoigne, a-t-il ajouté, “d’une manière caricaturale, le peu de respect que les hommes au pouvoir ont à l’égard de la Constitution”. “Ils se réclament de la Constitution lorsque cela les arrange, mais ils ne s’embarrassent pas de piétiner et de violer ses dispositions lorsque cela les dérange”, a-t-il analysé.
À noter que si les spécialistes en droit estiment que la nomination du nouveau wali de Tizi Ouzou est “anticonstitutionnelle”, la plupart des élus de la région disent n’accorder aucune légitimité politique à cette nomination.
Pas plus tard qu’hier d’ailleurs, les élus ont purement et simplement boycotté la rencontre à laquelle ils avaient été conviés par ce nouveau wali.
Le président de l’APC d’Agouni Gueghrane a, dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, qualifié le wali de “clandestin” avec qui il dit ne pas pouvoir se réunir. Comme de nombreux autres P/APC de la wilaya, il dit refuser d’organiser l’élection du 4 juillet pour “ne pas permettre l’émergence d’une autre issaba”.
Samir LESLOUS