La fausse polémique sur Gmail et le non respect de la vie privée

La fausse polémique sur Gmail et le non respect de la vie privée

Une vieille citation juridique utilisée par avocats de Google fait des vagues…

«Une personne ne peut pas raisonnablement s’attendre à ce que sa vie privée soit protégée quand elle utilise volontairement un parti-tiers» pour ses communications. Cette citation, utilisée par les avocats de Google pour tenter de convaincre un juge de rejeter une class action intentée contre lui, a fait la une de nombreux sites américains, mercredi. «Google admet enfin qu’il ne respecte pas la vie privée», conclut même le directeur de l’influente organisation de protection des consommateurs, Consumer Watchdog, dans un raccourci assez malhonnête.

Un peu de background. La personne A dispose d’une adresse chez Gmail, la personne B utilise un autre fournisseur. La class action estime que Google enfreint la loi sur les écoutes électroniques en scannant les emails envoyés par B à A, notamment pour afficher des pubs ciblées.

Les emails scannées pour la pub… Et le spam

Sur The Verge, le rédacteur Nilay Patel, avocat de formation, décrypte la situation. La citation «ne peut pas raisonnablement s’attendre à ce que sa vie privée soit protégée» concerne les internautes qui n’utilisent pas Gmail. La vie privée des utilisateurs de Gmail, elle, est régie par la charte de Google, acceptée lors de la création d’un compte.

Cette dernière stipule notamment que les emails sont passés à la moulinette par des robots pour lutter contre le spam, les classer par catégorie ou encore afficher de la publicité ciblée, qui finance un service gratuit. Aucun humain ne lit les courriels, à moins que les autorités obtiennent un mandat d’un juge (ou qu’un analyste de la NSA ne fasse du zèle, mais c’est une autre histoire).

Une citation de 1979

Volontairement ou pas, Consumer Watchdog oublie surtout le contexte de la citation. Cette dernière n’a pas été écrite par les avocats de Google. Elle date d’une décision de la Cour suprême de 1979, Smith v. Maryland. L’idée centrale, c’est que le droit à la vie privée ne peut pas être défendu à partir du moment où deux personnes utilisent un intermédiaire pour communiquer. Controversée, cette décision fait malgré tout jurisprudence, et les avocats de Google s’y référaient dans leur requête.

Dans les faits, scanner les emails est une pratique généralisée. Tous les principaux services le font pour lutter contre le spam, et certains, comme Google et Yahoo, pour la publicité ciblée. Microsoft jure de son côté qu’Outlook n’utilise que des métadonnées (nom, localisation etc.) mais n’exploite pas le contenu des courriers pour de la pub sur mesure. Il existe des services alternatifs misant tout sur la confidentialité. Malheureusement, après l’affaire Snowden, deux des plus populaires viennent de mettre la clé sous la porte.