Dans une interview parue aujourd’hui dans le quotidien El watan, l’épouse de Karim Tabbou, revient sur les raisons de son arrestation, et sur le coup psychologique encaissé par leur deux enfants Raouf (6 ans) et Nadine (4 ans).
Zahra Tabbou délivre les détails de son interpellation, « je n’oublierai jamais ce moment où tout a basculé. Il était midi et demi quand il s’apprêtait à ramener notre fille Nadine (4 ans) de la crèche. On ne sait d’où un groupe d’hommes en civil – huit – ont surgi et se sont s’approchés de lui, lui demandant de les suivre dans leur véhicule. Il a eu la présence d’esprit de me mettre en ligne sur son téléphone portable pour que je puisse écouter la conversation. Il a exigé d’eux de le laisser de remonter à la maison pour qu’il mette son costume et a profité de ce moment pour me remettre un feuillet sur lequel il a noté les numéros de téléphone de son frère et celui de maître Bouchachi », relate Mme Tabbou.
« Les policiers étaient postés devant notre appartement et devant l’entrée de l’immeuble. J’ai attendu jusqu’à 17h avant d’informer l’avocat Mostapha Bouchachi. Ensuite ce fut une longue et angoissante attente, une éternité. Le temps était figé. A ce moment-là, je n’ai même pas eu le temps d’avoir peur. Je n’ai jamais vu mon mari aussi calme, serein et digne. Il était fort. Je le voyais partir sans savoir ce qui allait advenir. J’ai été saisie d’une colère sourde », poursuit-elle.
Pour l’épouse, si son mari a été arrêté c’est parce qu’il a refusé de « mordre l’hameçon », elle raconte que « depuis la mise en place du sinistre «panel du dialogue», certains de ses membres le harcelaient pour l’inclure dans leur démarche. Plusieurs délégations étaient venues à la maison pour le convaincre et tenter de l’enrôler. Karim n’est pas homme à se laisser amadouer. A chaque fois, il me disait que le serment fait au peuple algérien et l’engagement aux côtés de ses concitoyens ne sont d’aucune commune mesure avec leurs promesses et tentatives de corruption. Vous comprenez bien que son arrestation est politique et que les accusations fomentées contre lui ne sont que des prétextes ».
Zahra évoque le coup psychologique encaissé par ses enfants après l’arrestation de Karim, et déclare qu’ « ils ne comprennent pas ce qui se passe et ne cessent de s’interroger sur ce qui est arrivé à leur père. Ils ne comprennent pas pourquoi il ne rentre pas le soir à la maison. Il leur manque terriblement ».
Elle évoque également des détails concernant sa deuxième arrestation à peine 14 heures après sa libération, « on croyait que le cauchemar était fini et qu’on pouvait enfin dormir tranquillement. Mais, le réveil nous a vite replongés dans l’angoisse. Quand des policiers en civil ont débarqué à 8h30, Karim était encore endormi – il s’était couché tard – il s’est levé rapidement » raconte l’épouse.
Et d’ajouter « la scène fut rapide et surprenante. Mon mari s’est entretenu avec eux durant deux minutes, il s’habille et part avec eux. Il a eu juste le temps de me dire que se sont des agents de l’unité «Antar». Nous sommes restés trois jours sans nouvelles de lui. J’ai appris plus tard, par ses avocats, qu’il avait subi un mauvais traitement. Il a été sérieusement bousculé. Il n’a pas été autorisé à prendre contact avec sa famille et son avocat, puis il n’a pas eu droit à une consultation comme c’est d’usage. Il disparaît une seconde fois devant mes yeux sans pouvoir faire quoi que ce soit. J’ai été comme enchaînée. Mais pas question pour moi de lâcher. J’ai juré de reprendre les choses en main et me battre ».
Zahra qui vit « durement » l’arrestation de son mari dit qu’elle tient bon « grâce à Dieu et au soutien populaire ». Elle passe un messages aux algériens et leur demande de poursuivre » le combat pacifique » elle appelle également les femmes à « s’investir s’investir davantage dans ce mouvement, c’est l’avenir de nos enfants qui se joue dans ce moment historique. »
Pour la marche du 1er novembre, Madame Tabbou appelle les algériens à se retrouver toutes et tous lors de ce vendredi historique. A cette occasion, je salue la mémoire des martyrs, je rends hommage aux Algériens, je pense profondément aux femmes, aux enfants et aux familles de tous les détenus politiques et d’opinion. Nous vaincrons ».