La fermeté turque met les dirigeants arabes dans l’embarras, Ankara exige la levée du blocus de Ghaza

La fermeté turque met les dirigeants arabes dans l’embarras, Ankara exige la levée du blocus de Ghaza

Les militants témoignent du comportement barbare d’Israël contre la flottille de la liberté.

La Turquie reste ferme et fixe la levée du blocus de Ghaza comme un minimum pour un retour à la normale avec l’Etat hébreu.

La Ligue arabe peut-elle faire mieux ? Les humanitaires commencent à retourner dans leurs pays respectifs apportant avec eux les témoignages d’une attaque brutale sans sommation.

C’était une «attaque sans préavis» à l’aube, «ils ont tiré à la fois des balles en caoutchouc et des balles réelles. Il y a eu d’emblée cinq morts, après quoi nous nous sommes rendus», témoigne le Malaisien Norazma Abduallah. «C’était une attaque totalement barbare.

Ils ont recouru à des armes légitimes ou non: des balles en caoutchouc, des balles réelles, des grenades à percussion et des grenades lacrymogènes.». «Notre voyage à Gaza était un voyage d’amour, et Dieu était avec nous.

Par ses agissements, sa brutalité contre des gens désarmés portant un message de paix à un peuple innocent assiégé, Israël a suscité un tollé mondial légitime», a déclaré Mgr Hilarion Capucci qui se trouvait dans la flottille.

«Que se passera-t-il lorsque nous viendrons avec des centaines de bateaux ? Lanceront-ils une bombe atomique ?», s’est exclamé l’écrivain suédois Henning Mankell qui a fait le constat qui s’impose un peu partout dans le monde : «Aujourd’hui, nous savons qu’Israël est à genoux. Personne n’aurait pu s’attendre à ce que le reste du monde réagisse de cette façon. Ils sont complètement isolés. Les gens en ont tellement assez de cette brutalité et de cette violence que ce pouvoir (israélien) a sur la conscience ».

Les militants, libérés après un ultimatum de la Turquie, multiplient les témoignages qui perturbent la très complaisante presse occidentale.

Seuls restent embastillés les quatre humanitaires palestiniens qu’Israël entend faire passer «en justice» et qui ne bénéficieront pas de la même attention médiatique que le soldat de l’armée israélienne prisonnier à Ghaza.

Les otages palestiniens, Lubna Masrawa (membre du conseil d’administration du Free Gaza Movement), Cheikh Raed Salah (dirigeant de la branche nord du Mouvement islamique en Israël), Mohamed Zidane (président du Projet international de soutien pour l’Association arabe des droits humains) et Hamed Abu Dabis (dirigeant de la branche sud du Mouvement islamique en Israël) sont au secret sans qu’on sache le sort qui leur est promis par une administration israélienne en plein désarroi.

La Turquie ne décolère pas devant l’arrogance israélienne et continue d’exiger une commission d’enquête internationale indépendante. Demande endossée hier par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU malgré l’opposition des Etats-Unis.

Le Conseil de la Ligue arabe était en réunion, hier soir, au niveau des ministres des Affaires étrangères. La veille une réunion au niveau des ambassadeurs avait révélé l’existence de divergences sur la riposte à apporter à l’agression israélienne contre les militants de la paix venus lever le blocus de Ghaza.

DES ARABES QUI ONT UN «PROBLÈME» TURC

Certains pays, notamment la Syrie, ont demandé la suspension des «négociations indirectes», ce qui a suscité l’opposition du représentant de Mahmoud Abbas, soutenu par les pays dits «modérés», soucieux de ne pas déplaire aux Américains.

Le secrétaire général de la Ligue arabe s’est d’ailleurs abstenu de répondre aux questions à l’issue de la réunion des ambassadeurs. La réunion des ministres arabes des Affaires étrangères devait faire face à un «problème turc».

C’est, beaucoup plus délicat à négocier que le «problème iranien» que les chaînes satellitaires du Golfe ont constamment mis en avant. En effet, l’attitude offensive de la Turquie – pourtant allié des EtatsUnis – met les Arabes devant la situation de devoir apporter un niveau de réponse suffisant pour sauver la face.

Le parlement turc – une des rares représentations démocratiques du monde islamique – a demandé au gouvernement de revoir les «liens politiques, militaires et économiques avec Israël et de prendre les mesures efficaces nécessaires ».

La déclaration, adoptée à l’unanimité, indique que la «la Turquie doit utiliser les moyens légaux nationaux et internationaux à disposition contre Israël ».

RAFAH OUVERT, JUSQU’À QUAND ?

Le ministre turc des Affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, a fixé la barre minimale en indiquant que des relations «normales» avec Israël étaient subordonnées à la levée du blocus contre Ghaza.

Les Etats arabes qui ont des relations diplomatiques avec Israël se retrouvent singulièrement en retrait par rapport à la Turquie. C’est bien dans ce contexte d’exemplarité de la position des dirigeants turcs qu’il faut expliquer la décision de Hosni Moubarak d’ouvrir «jusqu’à nouvel ordre» – ce qui veut dire qu’il peut être refermé à tout moment – du passage de Rafah.

La position égyptienne est d’autant plus inconfortable que le blocus de Ghaza est dénoncé dans le monde entier y compris dans les pays occidentaux. Or, l’Egypte participe de manière effective à ce blocus inique qui révolte l’opinion égyptienne. La décision d’ouvrir le passage de Rafah est une réponse minimaliste. Elle n’a de sens que si cette ouverture est permanente.

Le passage de Rafah est, dans tous les cas de figure, le moyen le plus sûr pour que les aides promises par les Etats arabes parviennent à Ghaza. Les dirigeants du Hamas qui contrôlent Ghaza ne nient pas le droit de l’Egypte de vérifier les marchandises qui y rentrent. Mahmoud Abbas, le chef de l’Autorité palestinienne qui a dénoncé un «terrorisme d’Etat», a indiqué que la meilleure réponse est la «réconciliation» entre Palestiniens.

Le constat est juste mais Mahmoud Abbas est-il disposé à mettre fin à la «coordination sécuritaire» avec Israël et à cesser les arrestations contre les militants du Hamas en Cisjordanie… tout comme il est en droit d’exiger de Hamas de cesser de le faire à Ghaza.

Certains, constatant l’échec consommé de l’Egypte dans ce domaine, souhaitent que la Turquie, dont le crédit est au zénith, intervienne pour réconcilier les deux parties. Les observateurs attendent avec curiosité la qualité de la réponse du Conseil de la Ligue arabe.

M. Saadoune