La fin de la crise du logement annoncée pour 2018 : Le pari fou du gouvernemenT

La fin de la crise du logement annoncée pour 2018 : Le pari fou du gouvernemenT

Les professionnels estiment qu’une telle ambition reste difficilement réalisable.

Le ministre de l’Habitat et de l’Urbanisme fait sien l’objectif du gouvernement d’en finir avec la crise du logement à l’horizon 2018. Toutes les conditions sont, semble-t-il, réunies pour que ce vaste et ambitieux projet se réalise. Le département d’Abdelmadjid Tebboune a, d’ores et déjà, établi un plan afin de concrétiser cette perspective dans les trois années à venir. Toutes les dispositions juridiques, réglementaires et financières à même de garantir le succès de cette opération ont été prises.



M. Tebboune fonde sa stratégie sur la dotation financière conséquente, évaluée à 650 milliards de dinars, dont a bénéficié son secteur. L’autre support sur lequel compte s’appuyer le ministre est l’industrialisation du bâtiment, c’est-à-dire la préfabrication. Ce procédé, argue-t-il, permettra d’obtenir une capacité supplémentaire de réalisation de 60 000 logements/an qui viendraient s’ajouter aux 80 000 unités/an fabriquées actuellement.

Ce qui portera, selon lui, la capacité nationale à 140 000 unités/an, résorbera la crise et fera face à la demande dans ce domaine. Si, pour certains professionnels, le “préfabriqué” ne constitue pas la solution idoine pour régler le problème du logement en Algérie, d’autres, en revanche, estiment qu’il peut y contribuer, mais sa mise en pratique reste difficile.

Cette méthode de construction appliquée au début des années 1970 n’a pas eu des résultats probants. Les raisons avancées par Abdelhamid Boudaoud, président du Collège national des experts architectes (Cnea), sont multiples. Il évoque le fait qu’avec le préfabriqué, seul le gros œuvre est réalisé.

“Les CES (corps d’état secondaires) sont donc exécutés séparément. Or, il devait y avoir des catalogues de CES, à savoir les équipements sanitaires, la menuiserie et l’électricité qui s’adaptent au préfabriqué”, indique cet architecte. Il soulève également l’écueil du manque de formation du personnel pour ce genre de mode de construction. Le stockage des éléments préfabriqués dans les aires préparées pour la circonstance et leur transport vers les chantiers sur camions va engendrer des dégâts, notamment des fêlures sur les composants (murs…).

M. Boudaoud soulève aussi la lancinante question de la bureaucratie qui, ironise-t-il, “tue plus que le séisme”.

Et le retard flagrant qu’accusent certaines wilayas dans la réalisation du plan quinquennal actuel, constaté par le ministre lui-même confirme, si besoin est, la difficulté à atteindre les objectifs tracés. “Hier encore, nous avons dissous les entreprises telles que Sonatiba, RCA… sans qu’elles soient auditées. Pourquoi les a-t-on dissoutes pour reprendre aujourd’hui le même procédé de fabrication qu’elles ont utilisé ?” s’interroge le président du Cnea.

“Allons-nous tomber dans les mêmes erreurs que celles commises de par le passé où les cités préfabriquées ont été édifiées avec une seule façade, sans parkings souterrains dont la durée d’utilisation ne devrait pas dépasser 20 ans ?” se demande encore M. Boudaoud qui escompte que la solution de la préfabrication soit temporaire.

Or, le président de la République et son Premier ministre insistaient dans leurs différentes sorties sur l’esthétique des édifices pour que les cités projetées soient intégrées avec toutes les infrastructures et commodités nécessaires et non pas des “cités-dortoirs”.

Dans ce sens, Abdelhamid Boudaoud rappelle les 7 M qu’exige la qualité d’un ouvrage. Il cite : “Matériaux, matériel, main-d’œuvre, milieu de travail, méthode, management, moyens financiers.” Pour sa part, le professeur Abdelkrim Chelghoum, expert en génie parasismique, la solution “miracle” n’existe pas à court terme.

Le problème de l’habitat, ajoute-t-il, ne se règle pas en 15 ou 20 ans. “En analysant l’expérience des années passées, il semblerait que ce pays a toujours fait fausse route en sur-dimensionnant autrement ses ambitions et en omettant à chaque phase de mieux évaluer le ‘réellement possible’, quitte à faire marche arrière dans certains domaines et à prendre un temps de réflexion et d’organisation afin de corriger les défaillances majeures et rendre l’action à venir plus efficace”, commente-t-il.

B. K.