Après ce Mondial de la réhabilitation, Didier Deschamps a deux ans pour transformer les promesses en triomphe.
Accueillis par environ 200 supporteurs, les Bleus se sont offert un bain de foule à l’aéroport du Bourget, dimanche, à la mi-journée. Des retrouvailles réussies avec leur public qui confirme l’engouement entrevu pendant ce Mondial brésilien. «Les gens ont vibré, comme nous, à travers ce que les joueurs ont fait. À une époque, on a souffert d’un manque d’amour du public. Là, on a senti un engouement. C’est quelque chose d’indispensable pour se sublimer», a confié Didier Dechamps à sa descente d’avion. «Cet accueil fait chaud au cœur», a ajouté Olivier Giroud, heureux comme ses coéquipiers d’avoir renoué le lien avec les supporteurs français grâce à un Mondial réussi. Un terreau fertile que le sélectionneur doit nourrir lors des deux prochaines années afin de relever le défi de l’Euro 2016 à domicile. Quelques raisons de croire à des lendemains qui chantent.
Une restauration réussie
En dépit d’une note finale ouvrant sur un océan de frustration, l’équipe de France a dansé sur un rythme plein d’allégresse lors de son séjour brésilien. Sa sarabande enchantée face à la Suisse à Salvador de Bahia a marqué son retour sur le devant de la scène dans la hiérarchie fluctuante du football mondial. Quatre ans après le Grand-Guignol de Knysna, les Bleus ont à la fois restauré leur image auprès du public français et posé des bases collectives solides pour envisager de futures campagnes triomphantes. À commencer dans deux ans lors de l’Euro organisé en France où cette jeune équipe (26 ans et demi de moyenne d’âge), pourra s’appuyer sur cette expérience de la haute compétition et bénéficier du soutien sans faille de supporteurs français à nouveau acquis à sa cause. «Il y a quelques mois, on n’aurait jamais pensé que l’équipe de France ferait un tel parcours. On a réussi à reconquérir les Français», s’est félicité Mathieu Valbuena pour mettre en exergue les progrès spectaculaires effectués dans la foulée du barrage victorieux contre l’Ukraine. Didier Deschamps s’est depuis appuyé sur les mêmes hommes pour entretenir méticuleusement un esprit de conquête se traduisant par un jeu de transition très dynamique auquel il aura manqué un soupçon de maîtrise technique et d’expérience pour espérer plus.
Cohérence et état d’esprit
En procurant des émotions positives à leurs supporteurs et en affichant un état d’esprit irréprochable, les Bleus ont parfaitement rempli le cahier des charges qui leur était assigné. Leur retour dans le Top 8 mondial prouve aussi la pertinence de la méthode Deschamps. En effectuant des choix forts – notamment celui de se priver de Samir Nasri et peut-être même de Franck Ribéry -, le sélectionneur (45 ans) a favorisé au maximum les affinités électives entre ses joueurs. Même si les rapports entre Benzema et Giroud sont demeurés compliqués, aucun Bleu n’a dévié de la ligne directrice fixée par un «patron» en raison de son palmarès de joueur et d’entraîneur qui en impose. Ce qui lui a permis de prendre des options tactiques différentes en fonction des adversaires des Bleus sans mettre en péril la cohésion de groupe. Sa capacité à instaurer une concurrence saine est appréciée par des joueurs que l’unité rend plus forts. «On a joué avec le cœur. L’âme de l’équipe est là. À nous de la maintenir», explique Mamadou Sakho, qui s’est imposé comme un leader moral de la sélection pendant la compétition. «L’équipe méritait peut-être mieux. Mais c’était bien de débuter cette histoire commune. Cela fait huit ans que la France n’avait pas suscité un tel engouement. Ce Mondial a permis de créer un bon état d’esprit. Cela a été une très belle expérience humaine», poursuit le capitaine Hugo Lloris.
Gagner en expérience et en maîtrise
Qu’a-t-il manqué aux Bleus pour continuer un plus loin l’aventure? Pas grand-chose et beaucoup à la fois. Brillante et efficace lorsqu’il s’est agi d’étouffer ses adversaires avec un pressing intense et de les faire souffrir en allant vite vers l’avant, l’équipe de France a affiché ses limites actuelles dès lors qu’il a fallu jouer sous le cagnard en début d’après-midi. Pour renverser l’Allemagne, rompue à ce genre de rendez-vous, les Bleus ont à la fois manqué de maîtrise technique, cette capacité à confisquer le ballon en gérant ses efforts, et d’expérience. «L’écart n’était pas si important. L’Allemagne a une grosse expérience des compétitions internationales. Cela aide dans des matchs aussi serrés», a indiqué Deschamps, histoire de souligner qu’au coup d’envoi les Allemands comptaient 75 sélections de plus en match de Coupe du monde que les Français. Un différentiel énorme qui explique d’ailleurs qu’une succession de petites erreurs de Griezmann, Pogba et Varane aient amené le but de Hümmels. C’est ce qui s’appelle payer pour apprendre. Cette amère expérience devrait leur être utile lors de l’Euro en France. Didier Deschamps a désormais deux ans de matchs semi-amicaux – reversé par l’UEFA dans une poule qualificative (avec Portugal, Danemark, Serbie, Albanie, Arménie) sans que ses résultats ne soient pris en compte – pour faire gagner en maturité un groupe qui ne devrait pas beaucoup évoluer dans sa composition. À l’exception du cas Ribéry, dont le retour en sélection pourrait s’avérer épineux en raison de l’affaire Müller-Wolfhart, et de celui d’Evra, qui, à 33 ans, pourrait décider d’arrêter sa carrière internationale, le sélectionneur a son groupe en tête. Les 24 mois dont il dispose avant l’Euro 2016 vont lui servir à affermir sa force collective et à tester quelques nouveaux jeunes susceptibles de lui amener une meilleure assise technique. Un travail d’horloger pour se préparer à monter en gamme à l’heure de l’Euro.