Le contrat Falcon Eye, de 800 millions d’euros, constitue un succès personnel pour le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian.
À Abu Dhabi, le 22 juillet, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian a signé un important contrat portant sur la fourniture de deux satellites d’observation de la terre, lors d’une cérémonie présidée par Cheikh Mohammed ben Zayed Al Nahyane, prince héritier et ministre de la Défense de l’émirat d’Abu Dhabi. Ce contrat de 800 millions d’euros, appelé Falcon Eye, porte sur la livraison d’une nouvelle version du satellite Pléiades, un engin aux performances excellentes, offrant des images d’une résolution de 50 cm selon cinq modes d’acquisition différents : visée, mosaïque, tri-stéréo, corridor et persistent surveillance. Cliquez ici pour consulter une description plus technique. Chacun de ces deux satellites, qui fonctionnent en constellation, pourra observer chaque jour une surface équivalente à deux fois la France.
Le poids de Le Drian
Tous les acteurs de ce dossier reconnaissent l’implication personnelle de Jean-Yves Le Drian, qui avait établi dès avant l’élection présidentielle de 2012 une relation de confiance avec Cheikh Mohammed ben Zayed Al Nahyane. Il s’est rendu à plusieurs reprises aux Émirats, et n’a pas lâché l’affaire, malgré la perspective d’un échec probable à la mi-juillet. Pour autant, ni le ministre ni ses services ne vont jusqu’à expliquer dans le détail à quel point le gouvernement français s’est engagé.
Quelles conditions a-t-il consenties pour que les industriels abaissent les prix ? Quelles pressions a-t-il exercées pour que ces derniers s’accordent sur les conditions techniques et les délais ? Quels accords d’offsets (échanges industriels, investissements et productions sur place) les coriaces Émiratis ont-ils obtenus ? Tout indique que la conclusion de ce contrat est due à une attitude strictement inverse à celle qui avait conduit au lamentable échec de décembre 2009, pour une autre forme de « technologie de souveraineté ». Un contrat d’un montant vingt fois plus élevé que celui des satellites, qui concernait la vente de centrales nucléaires, avait alors été perdu par la France au profit des Coréens. Cette fois, la victoire a de nombreux parents et la communication du ministère insiste sur le rôle de Le Drian, mais aussi sur celui de la direction générale pour l’armement et de l’ambassade de France.
Répartition industrielle
La répartition du chiffre d’affaires du contrat se fera pour l’essentiel entre les deux industriels concernés au premier chef : Astrium, qui fournit la plate-forme Astrobus des satellites Pléiades, également utilisée par les satellites Spot 6 et Spot 7. La filiale d’EADS assure la conception générale du système, son intégration et ses tests. Le second industriel français du secteur, Thales Alenia Space filiale de Thales (67 %) et Finmeccanica (33 %) fournit l’instrumentation très haute résolution, qui compose 95 % de la charge utile de ces satellites.
Mais le contrat porte sur bien d’autres choses que les satellites : les Émiratis ont acheté deux stations de réception des images (le « segment sol ») et feront former une vingtaine d’ingénieurs par les industriels français. Ils disposeront donc à terme d’une véritable autonomie. À noter que les militaires français qui utilisent la constellation de deux satellites Pléiades gérés par le CNES (le Centre national des études spatiales français) reçoivent cinquante images par jour, qui viennent compléter celles produites par le système Hélios.