La France veut fermer l’hôpital militaire du Val-de-Grâce

La France veut fermer l’hôpital militaire du Val-de-Grâce

Le gouvernement français envisage de fermer le célèbre hôpital militaire du Val-de-Grâce. Le projet est à l’étude depuis des mois mais le sujet est si sensible que l’exécutif se refuse pour l’heure à toute déclaration publique. Les autorités de santé restent aussi muettes que l’armée. Le sujet n’est « pas à l’ordre du jour au niveau du président à ce stade », fait-on valoir à l’Elysée. Rien n’est finalisé, des arbitrages présidentiels sont attendus, expliquent plusieurs sources du ministère de la défense. Des décisions seront annoncées « avant la fin du mois », indique-t-on chez le ministre Jean-Yves Le Drian.

Aucun démenti ni précision ne sont apportés quant au projet de transformation du site parisien historique, dont la vocation va changer. Les personnels du Val-de-Grâce s’inquiètent. « Depuis la fin 2013, de nombreux médecins généraux, patrons de service sont partis. Puis un plan de restructuration proposé par la direction a été retoqué par le service de santé des armées. Et le chantier des remises aux normes des infrastructures a été stoppé. De plus en plus d’officiers nous disent que l’on va fermer. Nous aimerions en savoir plus », indique Arnaud de Cooman, délégué FO, le syndicat majoritaire. Ce dernier a organisé une première assemblée générale des personnels lundi 29 septembre, une autre est prévue vendredi 10 octobre.

Trop cher, trop peu utile : l’hôpital d’instruction des armées de Paris, fondé en 1796, précurseur d’une spécificité française enviée à l’étranger, est devenu un poids. Cet établissement d’excellence est connu pour choisir sespatients. Il soigne les chefs de l’Etat français, mais aussi de nombreuses personnalités et gouvernants de la planète – le président algérien Abdelaziz Bouteflika a figuré parmi les derniers en date.

REMISE AUX NORMES ESTIMÉE À 250 MILLIONS D’EUROS

Mais le Val-de-Grâce, avec ses 380 lits, n’est plus qu’un des éléments d’une vaste réforme. Car le ministère de la défense traverse une période de restructuration de grande ampleur : il faut réduire les dépenses dans tous lesservices et arriver à réduire les effectifs de 34 000 personnes d’ici à 2019.

Le service de santé des armées, qui emploie 16 000 personnes, doit contribuerdans les trois ans à hauteur de 3 000 postes à cette vaste déflation. Les neuf hôpitaux militaires emploient environ 8 400 personnes, dont 680 médecins. Un nouveau modèle émerge, souligne le syndicat FO, qui explique que dans d’autres hôpitaux militaires comme Robert-Picqué à Bordeaux, la gestion des murs commence à être cédée à des prestataires privés, les personnels de statut public étant mis à disposition pour un temps déterminé.

Le Val-de-Grâce emploie 800 personnels de la défense, dont une moitié de militaires – les autres sont des fonctionnaires civils. Sur le site, en ajoutant les écoles de médecine militaire et le musée, travaillent au total 1 500 agents.

Trois hypothèses ont été mises sur la table ces derniers mois : une fermeture complète du Val-de-Grâce, une fermeture partielle, une cession à l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP). La première hypothèse, d’un strict point de vue de bonne gestion des deniers de l’Etat, est citée comme la plus raisonnable. Car la deuxième comme la troisième hypothèse ont un coût : le Val-de-Grâce doit être remis aux normes, un investissement de l’ordre de 250 millions d’euros. D’importants travaux ont déjà été lancés. Le bloc opératoire vient ainsi d’être rénové.

« ON SE TIENT PAR LA BARBICHETTE »

Le secteur public hospitalier, déjà très endetté, n’est pas preneur. Les médecins de l’AP-HP ne veulent pas récupérer un établissement aux finances jugées« chancelantes » et dans lequel il faudrait investir lourdement. En outre, à Paris, où elles estiment qu’il y a trop de lits, les autorités de santé sont déjà confrontées au dossier épineux de l’avenir de l’Hôtel-Dieu. « L’armée veutréduire ses coûts et nous, on ne veut pas augmenter les nôtres, on se tient par la barbichette », confie un médecin bon connaisseur du dossier.

En revanche, des activités devraient être dispatchées dans d’autres établissements. Depuis plusieurs mois, un gros travail a été engagé entre l’AP-HP et le service santé des armées pour réfléchir à une coopération. Il est en train d’aboutir, indique sans autre précision la direction de l’AP-HP.

« Aucune capacité de soins ne sera supprimée », promet-on au ministère de la défense. En interne, les réorganisations avancent. Les services de neurochirurgie et de chirurgie viscérale du Val-de-Grâce ont d’ores et déjà commencé à rejoindre l’hôpital d’instruction des armées Percy-Clamart. Début 2010, la Cour des comptes avait rendu un rapport très sévère sur la gestion de la médecine militaire. Ses neuf hôpitaux avaient alors cumulé un déficit de plus de 300 millions d’euros pour 800 millions de budget, soit le premier déficit du secteur en France pour seulement 2 % des capacités d’accueil nationales.

Un plan d’action avait suivi, fondé sur une rationalisation de l’offre de soins et un rapprochement avec les agences régionales de santé – le Val-de-Grâce comme les autres accueille environ 70 % de patients civils. Les grandes lignes en ont été présentées en 2013. Les écoles de santé des armées ont déjà été regroupées, près de Lyon. Les hôpitaux militaires ont été redéfinis en deux catégories.

Les établissements « de premier rang » (Val-de-Grâce, Percy-Clamart, Bégin à Saint-Mandé, Toulon, et Marseille) forment le pôle d’excellence de la médecine de guerre, pour garantir aux armées leur capacité « d’entrer en premier » dans un conflit. Le sort des hôpitaux de « deuxième rang », Bordeaux, Brest, Lyon etMetz, suscite d’autant plus d’inquiétudes que la défense a peu détaillé ses projets.