La fronde des 19 alliés : dernier avertissement avant l’affrontement ?

La fronde des 19 alliés : dernier avertissement avant l’affrontement ?

Il y a quelque chose de sublime et en même temps d’irréaliste dans la courageuse démarche citoyenne qu’ont entreprise les 19 personnes qui ont adressé une lettre à Abdelaziz Bouteflika.

 

Il semble qu’actuellement, la nation tout entière tente d’avertir le gouvernement algérien qu’il fait fausse route. Affirmant n’avoir aucun projet politique et de ne pas vouloir se positionner en alternative, le groupe de 19 Algériens qui ont adressé une lettre au président Abdelaziz Bouteflika veut pouvoir lui faire directement part de ses doléances.



La chose la plus surprenante, c’est que ce sont des personnes comme la Zohra Drif-Bitat et Khalida Toumi, reconnues dans le passé pour avoir été de fidèles alliées de Bouteflika, qui signent la lettre. Jusqu’à tout récemment, la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), Louisa Hanoune, le supportait et applaudissait même son quatrième mandat malgré le déni de démocratie qu’il avait impliqué. Il est donc surprenant qu’ils estiment tous qu’il est de leur devoir de patriotes algériens d’attirer l’attention du président sur l’inefficacité de sa gouvernance et la dégradation du climat général dans son pays.

Les exemples de cette vacance de pouvoir qu’ils dénoncent sont partout. Les plus cités sont la situation à Ghardaïa et l’inertie gouvernementale qui malgré les promesses de diversification de l’économie, a fait perdre à l’Algérie son indépendance financière. Si le gouvernement avait fait ce qu’il avait promis, il n’aurait pas perdu d’un seul coup environ 50 % de ses revenus à cause de la chute des prix du brut. Cela l’obligera à prendre des mesures impopulaires comme l’augmentation des prix des carburants.

La présence d’une direction à la tête de l’État devient une urgence. Il y a quelques jours à peine, le roi du Maroc, Mohamed VI, alors qu’il était dans la capitale du Sahara Occidentale, Laayoune, a critiqué avec force l’Algérie à l’occasion du 40e anniversaire de la marche verte. La situation est des plus grave et le pays est menacé dans son intégrité.

La lettre de ces 19 personnes lance un message clair : malgré un climat général dégradé, ils sont prêts à suivre Bouteflika, mais pas ses proches. En fait dans cette lettre, ces personnalités publiques accusent a mot couvert l’entourage du chef de l’État de lui cacher des informations importantes, ce qui lui ferait prendre des décisions contraires aux intérêts de l’Algérie.

Les deux personnes principalement visées par ces accusations sont Saïd Bouteflika et le directeur de cabinet Ahmed Ouyahia. Ils sont donc pointés du doigt dans cette dérive autoritaire du pays. Plutôt que d’écouter le peuple en ces temps difficiles, l’Etat fait l’inverse. Il interdit le droit de manifester, met en place un organe de surveillance de l’Internet, ferme les télévisions qui lui tiennent tête comme El Watan et emprisonne les généraux tombés en disgrâce.

Human Rights Watch vient juste de dénoncer cette situation et demande de relâcher le journaliste connu pour ses critiques du gouvernement algérien, Hassan Bouras, qui est détenu depuis le 4 octobre. Selon le directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord de l’organisme, Éric Goldstein, cette détention semble faire partie d’un effort pour intimider les détracteurs du gouvernement. D’autres organismes internationaux, dont de gros clients de l’Algérie ont aussi remarqué cette dérive. Le Parlement européen a noté le harcèlement croissant des militants des droits humains dans une résolution concernant l’Algérie adoptée le 28 avril.

Ce qui motive tous ces acteurs qui élèvent la voix actuellement, c’est qu’ils se rendent compte que l’Algérie est à la veille de profondes mutations politiques et économiques causées par l’impasse dans lesquelles l’a mené Bouteflika qui s’est endormie sur sa rente pétrolière au lieu d’investir dans l’économie. Le déficit de l’Algérie franchit les 10 milliards de dollars. Maintenant que la rente a fondu, le gouvernement ne peut plus acheter la paix sociale.

Il n’y a pas de nombreuses manières de contourner la situation centrale qui touche l’Algérie. Comme les revenus du pays ont fondu de moitié, les habitants devront se serrer la ceinture le temps que des mesures de mitigation soient mises en place. Naturellement, aucun individu ne veut faire seul les frais de ces compressions. Si l’État ne veut pas faire face à une insurrection en règle il devra décider avec la population où se feront les coupures. C’est justement parce qu’il ne veut pas consulter le peuple et partager le pouvoir avec lui que le clan au pouvoir vend actuellement le pays aux étrangers.

Plutôt que de se positionner en chef d’État, le clan Bouteflika se présente aux dirigeants étrangers comme un maître d’esclaves prêt à livrer le pays au complet si on laisse ses droits et privilèges à la caste dirigeante. Il n’agit ni en responsable de la nation, ni pour la pérennité de l’Etat. L’Algérie a encore les potentialités et les compétences requises pour pouvoir rebondir, mais quand le taux de change sera de 300 DA pour un dollar, il sera trop tard.