Le véritable enjeu de cette élection concernait hier le taux d’abstention dont les enseignements sont considérés comme cruciaux par les états-majors qui préparent activement 2017.
Plus de 44 millions de Français étaient appelés aux urnes, hier, pour le second tour des élections régionales afin d’élire 1 757 conseillers régionaux et 51 membres de l’Assemblée de Corse. Tandis que le paysage est encore en décantation dans 13 régions – sept nouvelles régions ayant été dernièrement fusionnées – on s’interroge d’ores et déjà sur le choix déterminant des présidents de chaque région, sur les compétences exactes des différents élus et sur les missions des nouveaux grands ensembles. Le Front national l’avait emporté dans six régions au 1er tour, obtenant plus de 6 millions de voix et confirmant par-là même une inquiétante progression. En effet, le 6 décembre, Marine Le Pen et sa nièce Marion Maréchal-Le Pen ont réalisé dans le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Provence-Alpes-Côte d’Azur les deux meilleures performances du parti avec chacune plus de 40% des voix, au point d’avertir le gouvernement Valls qu’elles allaient lui «empoisonner la vie». Le désistement du Parti socialiste dans toutes les régions où il était devancé par la droite a néanmoins changé la donne pour un FN dont l’unique opportunité se situait dans la région Alsace-Champagne-Ardennes-Lorraine où Florian Philippot a «bénéficié» du refus du candidat PS de se retirer de la compétition.
Après une campagne électorale écourtée à cause des attentats du 13 novembre, cette élection aura été empreinte d’un fort relent d’islamophobie et de discours xénophobe, au point d’influencer le taux de participation.
D’ailleurs, un des enjeux concernait hier le taux d’abstention dont les enseignements sont considérés comme cruciaux par les états-majors qui préparent activement 2017 et qui a cru sensiblement partout, sauf en Ile de France. Les ambitions du candidat virtuel des Républicains, Nicolas Sarkozy, risquent fort de se diluer dans la tempête qui suivra le lendemain des régionales, ultime rendez-vous électoral avant la confrontation pour la présidentielle, tant il aura multiplié les gaffes et aggravé les crispations au sein d’un parti miné par la multitude de prétendants sur le qui-vive. Sa stratégie du «Ni-ni» a constitué la goutte qui a fait déborder le vase, notamment à Bordeaux, où Alain Juppé, toujours droit dans ses bottes, a pris le contre-pied de son rival en plaidant pour le retrait des candidats républicains distancés. Il aura beau avoir disputé à l’extrême droite ses thèmes privilégiés de l’insécurité, du rejet de l’immigration et de la préférence nationale identitaire, la lente et inexorable érosion de la droite a grandement profité à un Front national qu’il prétend combattre alors qu’il n’a pas cessé de le conforter.
Concrètement, si le FN emporte une seule région au second tour, il introduirait une situation totalement inédite en Europe, où jamais un parti d’extrême droite n’a pu participer à l’exercice du pouvoir sans le passage obligé par une coalition avec d’autres courants. Cette situation inédite est prise en compte dans les arcanes du Parti socialiste qui compte bien agiter la muleta face à la menace du FN et poser la candidature du président sortant François Hollande comme étant le seul capable en 2017 de sauver la France d’un péril aussi radical. Avec le retour aux urnes d’une frange des abstentionnistes, le FN a dû revoir ses prétentions à la baisse mais il n’en reste pas moins la «bête du Gévaudan» que la classe politique française redoute, contribuant, bon an mal an, à son essor et à la banalisation de son discours raciste et islamophobe. Nul doute donc qu’en 2017, il faudra vraiment compter avec lui et envisager, peut-être, un second tour entre François Hollande et Marine Le Pen. Une hypothèse à hauts risques.