La justice frappe le coeur du système

La justice frappe le coeur du système

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Après la démission de l’ancien président de la République, c’est toute la devanture du pouvoir qui a explosé laissant ses acteurs face à face avec le peuple.

L’emballement de l’actualité politico-judiciaire, à travers des arrestations opérées au coeur du pouvoir finissant, démontre, si besoin, une grande détermination de ne laisser aucune chance au système, dans sa version «bouteflikienne», de ressusciter. Ainsi, au-delà de son appendice économique et politique, qui a vu l’arrestation de Ali Haddad et les frères Kouninef, ainsi que la convocation devant le procureur de la République de l’ancien Premier ministre et l’actuel ministre des Finances, la profondeur «sécuritaire», voie «intime» du système, concentre en son sein toute la puissance qui a permis à l’ancien président de la République de se maintenir à la tête de l’Etat toutes ces années. Il ressort ainsi de ces arrestations, une réelle volonté de couper court à toute éventuelle négociation au sein du système. Il devient clair, après ce développement spectaculaire des événements, que le régime établi en avril 1999 jusqu’à avril 2019 est officiellement démantelé. Et plus encore, il y a dans la manière de faire, quelque chose d’inédit. C’est en effet, la première fois depuis l’indépendance du pays qu’une «passation» de pouvoir passe par la case prison avec cette ampleur. Ce serait dévoiler un secret de Polichinelle que d’affirmer que le système en Algérie n’est pas homogène, mais traversé par des courants qui, parfois, convergent et d’autres fois divergent. Tout au long des cinq décennies d’indépendance, le pouvoir est passé de main en main et les «frictions» étaient réglées en interne. En décembre 1978 et octobre 1988, les moments de ruptures brutales au sein du pouvoir, ont donné lieu à des mises au placard, des radiations des effectifs, des mises à la retraite forcées, mais assez peu de poursuites judiciaires. L’on a vu d’importants responsables écartés pour être repris quelques années plus tard.
Il est vrai, cependant, que le contexte en 2019 n’est pas du tout le même et l’intrusion subite du peuple dans le débat public, voire dans «l’intimité» du système, réclamant ouvertement le départ de tous ses symboles, a lourdement pesé sur l’équilibre des forces au sein dudit système et mis tout ce beau monde devant la nécessité de répondre à l’interpellation des Algériens qui, vendredi après vendredi, citaient nommément les «marquis», dont on disait beaucoup de choses. Il devenait, disons-le, compliqué de laver son linge sale en famille, sachant qu’après la démission de l’ancien président de la République, c’est toute la devanture du pouvoir qui a explosé laissant ses acteurs face à face avec le peuple.
Il restait deux options à prendre pour répondre à la demande insistante de la population: soit mettre momentanément un couvercle sur le système Bouteflika et hâter la reconstruction institutionnelle, au risque de voir la foudre des Algériens s’abattre sur les institutions encore debout, ou alors affronter de front les deux missions, à savoir revenir à la légalité institutionnelle, tout en vidant le système finissant de sa sève. Il semble que la justice, encouragée par le peuple et l’état-major de l’armée, ait opté pour la seconde voie.
Cela débouche sur une actualité judiciaire qui vient «s’empiler» sur un agenda politique, actuellement dans l’impasse. Ces arrestations auront-elles un impact sur les politiques qui ne manqueront certainement pas de les commenter? Il est clair que la réponse est «oui», d’autant qu’au regard de «la vitesse de croisière», prise par l’institution judiciaire, il faut s’attendre à
d’a-utres arrestations, tout aussi spectaculaires.