Le ministère des Finances refuse de voir dans le tourisme et l’activité de l’agence de voyages une véritable prestation de services, préférant les qualifier de “loisirs”.
Le touriste étranger est quasiment inexistant en Algérie au moment où les Algériens sont de plus en plus nombreux à voyager et à opter pour des destinations étrangères pour des moments d’évasion. Mais d’où se procurent-ils la devise pour payer leur séjour et assurer les dépenses nécessaires pour leurs vacances ou même pour effectuer de simples voyages d’affaires ou de travail ? La réponse est toute simple : le square Port-Saïd et autres points de changes clandestins (pourtant connus de tous) sont là pour alimenter, au vu et au su de tous, les besoins aussi bien des citoyens que ceux des agences de voyages.
Si l’on part du principe que le touriste algérien client d’une agence de voyages paye son séjour en dinars, il n’en demeure pas moins que l’agence est contrainte de payer son partenaire à l’étranger en monnaie étrangère et cela est valable pour toutes les destinations y compris pour la omra. Ils sont, pratiquement, 450 000 Algériens à se rendre en Arabie saoudite pour la omra chaque année pour une durée de 15 jours qui coûte au pèlerin de 150 000 DA à 300 000 DA.
Des pèlerins qui ne peuvent voyager qu’à travers des agences qui leur assurent transport, hébergement et restauration à travers un partenaire saoudien… qu’il faut payer en monnaie autre que le dinar algérien. Les astuces sont connues et varient entre sortir de l’argent petit à petit à chaque voyage ou se servir des pèlerins eux-mêmes. Ce qui a amené la brigade économique et financière de la Police judiciaire à lancer récemment une enquête à ce propos. Reste à savoir, et c’est la vraie question : pourquoi les agences de voyages agissent-elles de la sorte et prennent-elles des risques qui peuvent ruiner une vie alors que cela devrait être une partie intégrante de leur activité comme cela se fait sous d’autres cieux ? Mystère et boule de gomme !
Les pouvoirs publics, qui parlent depuis des années, sans y arriver d’ailleurs, de la relance du tourisme, ne font rien pour éliminer les obstacles qui bloquent son essor. “Dans tous les pays qui ont réussi dans le tourisme à l’image de la Tunisie, du Maroc, de la Turquie, de l’Égypte, etc., les professionnels du domaine sont un partenaire incontournable des pouvoirs publics. Aucune décision importante concernant le secteur ne peut être prise sans leur aval si ce n’est eux-mêmes qui prennent les décisions pour la simple raison qu’ils sont présents sur le terrain et connaissent parfaitement les rouages et les gens sérieux autant que les escrocs”, explique un opérateur, déplorant qu’“en Algérie, la réalité démontre tout le contraire et présente les professionnels en quantité négligeable et parfois inexistante, à tel point que le tourisme se meurt dans le Sud algérien, et les agences de voyages sont en voie de disparition, des carrières se brisent et des familles se disloquent et des personnes respectables deviennent des bandits sans que personne ne lève le petit doigt”.
Les solutions existent sans impact sur l’économie du pays
“Les agences de voyages sont interdites de domiciliation qui permet le transfert de devises parce que le ministère des Finances considère le tourisme ou l’activité de l’agence de voyages comme un loisir et non comme un service”, nous a indiqué un agent de voyages qui ne comprend pas ce raisonnement qui, selon lui, n’obéit à aucune logique. “Le bien-être et le confort des citoyens ne relèvent-ils pas de la responsabilité de nos gouvernants qui, eux, se permettent le luxe à outrance ?” Il ajoutera : “S’ils considèrent que le transfert de devises va appauvrir l’Algérie en ayant un impact sur son économie, c’est qu’ils prennent les Algériens pour des attardés mentaux, dans la mesure où tout un chacun sait que les devises sortent malgré tout.” “Qu’ils interdisent l’existence même d’une agence de voyages, dans ce cas, et que les choses soient claires”, vont jusqu’à proposer certains responsables d’agences qui s’étonnent de voir le nombre d’agences augmenter jusqu’à atteindre environ 1 800 alors qu’en 2012, elles étaient de 600 à 700.
Des propositions émanant des représentations syndicales des agences de voyages ont déjà été soumises aux plus hautes autorités du pays (ministère, gouverneur de la Banque centrale). En vain. Il en ressort, en substance, que s’il y a autorisation pour que le client d’une agence de voyages puisse verser sur son compte commercial un montant en devises couvrant son séjour à l’étranger, cela permettra de ne pas toucher à l’argent du Trésor public tout en rendant les opérations légales à 100%. “Cela n’impactera pas l’économie du pays, bien au contraire. Il s’agira surtout de bancariser des millions d’euros et d’atténuer le fléau de l’informel”, nous explique un représentant syndical. “Maintenant qu’il y a la crise, nous ne demandons pas à ce que nos dinars soient convertibles en devises pour payer notre partenaire, mais nous demandons que le citoyen algérien, qui puise dans le marché parallèle dans tous les cas de figure pour acheter de la devise, puisse verser une partie sur le compte de l’agence de voyages.” Cela réglera, en effet, le problème des agences de voyages, mais seule une revalorisation de l’allocation touristique permettra de rendre les séjours touristiques accessibles à tous les Algériens…