Après L’adieu au rocher, l’auteure Zahra Farah, psychologue native de Constantine et vivant à Oran, récidive avec brio dans cette écriture subtile et raffinée qui dit toute la sensibilité d’une plume qui raconte un vécu décrit avec tant de détails et de sensibilité que vous avez l’impression d’être là, dans cette “Maison en haut de la côte” aux côtés de Mouni, Fella et Salim partageant avec eux, le temps d’une lecture, un quotidien rude d’une période coloniale subie par toute une société dont Kheïra, Halima, Rahma, Tayeb, Annette, Zoukha, Simone, Mokhtar, Adam et tant d’autres personnages touchants.
Tout au long de ces 242 pages qui se laissent lire avec avidité tant l’envie d’en savoir plus sur cette famille algérienne des années 50 est grande. Le lecteur est transporté de Constantine vers Oran à la découverte des périples de cette famille monoparentale où la mère “Mouni”, cette femme endurcie par le poids d’un passé douloureux et d’une éducation rigide régie par une mentalité traditionnelle et une société conventionnelle aux règles strictes et impitoyables, n’a d’yeux et d’espoir que pour son fils Salim pour qui elle est prête à tout sacrifier afin de le voir étudier et évoluer dans un autre univers que le sien.
Et c’est à traves le regard innocent, médusé, tantôt craintif, tantôt déterminé de la pauvre petite Fella, rejetée, mal aimée, que nous découvrons cette nouvelle vie, dans cette ville inconnue où tout est différent pour cette gamine qui (re)découvre l’école bien malgré elle mais qui se met à l’aimer, qui apprend de nouveaux rites, se lie d’amitié, grandit et va au collège, puis au lycée, prend conscience de sa condition et de sa détermination qui s’amplifie au fil des pages, malgré l’absence de cet amour maternel tant désiré mais qui ne viendra jamais…
Zahra Farah plante un décor en noir et blanc d’une ère coloniale qui a sévi en Oranie, comme partout en Algérie en semant la terreur, les fils barbelés et la haine raciale des colons qui ne rataient aucune occasion pour rabaisser les “indigènes” qui avaient osé prétendre à une instruction qui leur ouvrirait d’autres voies que celles des “colonisés”. Un décor toutefois semé de quelques couleurs du ciel étoilé, de la mer bleue, de la solidarité du voisinage, de la bienveillance de certains “gaouris”, de l’amitié qui pouvait exister malgré la différence de cultures, de l’innocence de cet amour né et mort au gré des circonstances tragiques d’une guerre qui a fait bien des ravages et qui en a brisé bien des cœurs ; le cœur de Fella fut l’un de ceux-là et c’est l’âme en peine qu’elle se murmure : “Demain, demain sûrement…”
La maison en haut de la côte, de Zahra Farah, Média-Plus Editions, 242 pages, septembre 2015.