Fihouroune Maiga a longtemps officié auprès d’institutions internationales en tant qu’expert en désarmement, démobilisation et résinsertion.
Il est aussi spécialiste en prévention des conflits. Originaire de la région de Tombouctou, cet intellectuel a pris part aux négociations dans le cadre du dialogue inter-maliens à Alger en tant que membre de la Plateforme, signataire de l’accord historique du 15 mai 2015. Il a bien voulu répondre aux questions du JI en marge de la cérémonie de signature à Bamako.
Vous avez participé au long processus du dialogue inter malien qui s’est déroulé à Alger. Quels ont été les défis relevés ?
Le premier défi a été la capacité et la volonté de l’Etat malien d’accepter l’idée d’un dialogue avec les groupes politico-militaires qui ont mené les hostilités avec l’armée malienne.
Le deuxième défi est la disponibilité affichée par les Maliens à s’asseoir autour d’une table en dépit des aspirations, au départ contradictoires. Le troisième défi a été de discuter à bâtons rompus pour réussir à trouver un axe de convergences qui se décline en quatre chapitres : la question politique et institutionnelle, la question de la défense et de la sécurité, la question du développement économique et celle de la réconciliation durable.
Des factions de la CMA, dont le MAA, le HCUA et le MNLA n’ont pas daigné signer l’accord historique du 15 mai à Bamako. Pensez-vous que cela peut affecter la mise en œuvre du processus de paix ?
Non ! Parce que deux points essentiels sont des maillons incontournables de l’élaboration de la feuille de route de processus auquel ont participé activement les parties qui rechignent à signer aujourd’hui le document final. Par ailleurs, la garantie de la communauté internationale, à travers le comité de suivi, ne doit et ne peut souffrir de remise en cause.
Il y a ici une sorte de surenchère légitime politiquement mais innacceptable quand on s’engage à construire la paix. Gageons que nos frères réservés aujourd’hui rejoindront, plus tôt qu’on ne le pense, cette mise en œuvre qui ne manquera pas d’apporter les fruits promis par le texte que les réfractaires de la CMA ont rédigé, avec leurs mentions pertinentes.
Vous, expert en désarmement. Pourra-t-on cantonner et priver de leurs armes des populations autochtones sans les exposer à la violence des terroristes qui infestent le Septentrion ? Ne faudrait-il pas au préalable renforcer les capacités de l’armée malienne ?
Il faut faire la part des choses, le désarmement est un principe autonome qui a son mode opératoire totalement distinct du redéploiment de l’armée sur l’ensemble du territoire. L’accord énonce clairement la reprise en main par l’armée des territoires soumis à l’activité rebelle et terroriste.
Il n’est donc pas question de désarmer les uns en laissant les autres continuer leurs actes de subversion. Sans oublier qu’il est mentionné dans un alinéa d’une extrême importance que la Minusma devra accompagner la réhabilitation des missions régaliennes du département de la Défense nationale malien.La Minusma devra assumer ses responsabilités dans l’équité.
L’ambitieux programme de développement au profit d’une vaste zone du nord du Mali nécessite la mobilisation de fonds colossaux, pensez-vous que cet argent sera bientôt disponible ?
Oui, le document de l’accord d’Alger prévoit une table ronde des bailleurs de fonds qui devront passer à la concrétisation de leurs promesses.
Je crois, comme beaucoup de Maliens, à la sincérité des amis du Mali. Il faudra alors de la rigueur dans la dépense pour que les populations déshéritées du Septentrion goûtent enfin à l’essor économique que seule la paix apporte.
Un dernier mot…
Encore merci l’Algérie et à tous ceux qui nous ont accompagnés et aidés pour surmonter les moments graves de cette crise. Puisse Allah, le Clément, le Miséricordieux, nous garder sur le chemin du pardon et de la paix.