Les autorités répriment, depuis l’entame de la révolution, les marches des étudiants pour inhiber les manifestations du vendredi. Jusqu’ici, cette politique n’a pas induit l’effet souhaité, au contraire.
La stratégie de la terreur réussira-t-elle à émousser la détermination du peuple à en découdre avec le régime et ses appendices ? Jusqu’à présent, la révolution citoyenne n’a pas été ébranlée par les violences policières, qui ciblent particulièrement les étudiants, considérés, à tort ou à raison, comme le maillon faible de la mobilisation. Au départ, les marches hebdomadaires de la corporation universitaire étaient fortement encadrées par les agents de la police, qui ne manquaient pas de procéder à des interpellations dans une logique d’intimidation. Sans aller plus loin dans les tentatives d’empêcher la démonstration de rue. Le 9 avril dernier, jour de l’activation de l’article 102 de la Constitution par le Parlement réuni en ses deux Chambres, les étudiants étaient dans la rue pour exiger le départ de Bensalah et des trois autres B (Belaïz, Bedoui et Bouchareb). Pour la première fois depuis l’entame de l’insurrection populaire, les forces antiémeutes ont utilisé des gaz lacrymogènes et des canons à son et à eau contre les jeunes manifestants. Un scénario identique a été reproduit le mardi suivant. Le lendemain, soit le 17 avril, des agents armés ont violé la franchise universitaire à la recherche des étudiants engagés dans le mouvement.
Le 21 mai, en plein mois de Ramadhan, les étudiants ont été, encore une fois, confrontés à la violence des forces de sécurité, qui ont recouru, sans modération, à l’usage de la matraque, des gaz lacrymogènes et des arrestations musclées. À hauteur de l’avenue Dr-Saâdane, les policiers ont redoublé de férocité pour empêcher les marcheurs d’atteindre le Palais du gouvernement, puis d’occuper l’esplanade de la Grande-Poste, qui n’était pas encore barricadée par des plaques en tôle ondulée. Le 2 juillet, quelques centaines d’étudiants, qui ne voulaient aucunement rater le rendez-vous avec la rue malgré les fêtes de l’Aïd (la marche a été avancée au dimanche), ont buté sur un dispositif policier spectaculaire. Ils “ont eu droit”, également, à des coups de matraque et à quelques arrestations. Soutenus par les citoyens, les étudiants ont pu renouer avec des manifestations plus tranquilles le temps d’un été. Le mardi 24 septembre s’est profilée une volonté claire des pouvoirs publics de fermer la parenthèse de la “tolérance” et de mater les étudiants. Le plan a été mis brutalement à exécution avant-hier. La répression de la dernière marche des étudiants sonnera-t-elle le glas du hirak, puisque tel semble être son objectif ? Ce n’est pas si évident. Jusqu’ici, les sept mois de l’insurrection citoyenne ont été ponctués de “duels” tous gagnés bravement par le peuple.
À chaque acte de répression (les vendredis aussi, la police procède aux interpellations tous azimuts, à l’usage des gaz lacrymogènes et de la matraque), à chaque tentative de division (interdiction du port de l’emblème amazigh, irruption dans la foule de barbus en tenue afghane…), à chaque tour de vis (positionnement des barrages filtrants aux entrées de la capitale, puis interdiction d’y accéder depuis les autres wilayas…), les citoyens rééditent les grands jours de la révolution. Au jour d’aujourd’hui, il est difficile de croire que les centaines de milliers d’Algériens qui ont continué à battre le pavé malgré les affres du jeûne, la canicule du mois d’août, les nuisances subversives des mouches électroniques, la détention de manifestants et de militants politiques, le rétrécissement des libertés renonceront à l’espace public qu’ils se sont réapproprié depuis plus de sept mois, encore moins aux revendications qu’ils portent depuis février. Ce vendredi sera un nouveau test de la résilience du mouvement citoyen. Un test aussi pour la démarche répressive du pouvoir.
Souhila Hammadi